mercredi 6 décembre 2017

La couleur de notre peau n’est pas due au savon Dove

Victor Ginsburgh

Je me souviens de l’atlas que j’avais à l’école, mais plus tout à fait du nombre de races qui y étaient représentées. Cinq comme le nombre de continents, je suppose, mais je n’en retrouve que quatre : la blanche, bien sûre, la noire, qui m’était la plus connue puisque je vivais en Afrique, la rouge des « peaux rouges » et la jaune, des japonais que, dans une bande dessinée de Spirou, Buck Danny traitait de « faces de citron » quand ils apparaissaient comme pilotes d’avion, surtout s’ils étaient mitraillés par les bonnes « faces d’américains », plus blanches que blanches.

Ce qui m’a amené à me souvenir que récemment, et vous le savez sans doute, la marque des savons et autres produits dits d’hygiène, Dove d’Unilever, a répandu sur internet, l’image d’une femme à la peau noire qui se transforme en femme à peau blanche après avoir utilisé un de leurs merveilleux produits du style « lave plus blanc que blanc ». Dove a prié ceux qui avaient vu cette image de les excuser : « cela n’arriverait plus ». Et pourtant, Dove n’était pas loin, il suffit de très peu.


Sauf que ce n’est pas eux qui lavent plus noir que noir, mais une variante d’un seul gène (le MSFD12) qui affecte la production d’eumélanine et produit une couleur de peau un peu plus foncée. Les huit autres variantes que l’on trouve chez les Africains sont également présentes dans un grand nombre de population qui ne sont pas originaires d’Afrique. Une des variantes qui date d’il y a 900.000 ans est commune aux San qui vivent au Botswana et aux Européens… 900.000 ans, donc bien avant l’arrivée de l’homo sapiens, et bien sûr avant son arrivée sur le continent européen !

Il semble donc que toutes les populations de monde soient dotées des mêmes variétés génétiques qui donnent sa couleur à la peau et que ce sont les conditions d’ensoleillement qui activent l’une ou l’autre variété : certains pigments sont générés chez les peuples soumis à l’ultraviolet, dont les Africains, et lorsqu’il y a moins de lumière, comme en Europe, ces pigments s’estompent pour absorber plus de lumière et permettre la production de la vitamine D.

La variante « visage pâle » du gène, évidemment courante en Europe, est récente. Elle date d’il y a 29.000 ans. Elle se retrouve aussi chez les populations d’Afrique de l’Est, notamment en Tanzanie, où elle semble avoir été introduite par une migration de fermiers en provenance du Proche-Orient, il y a quelques milliers d’années. 

L’Institut Max Planck d’Anthropologie Evolutionniste à Leipzig vient aussi de découvrir que certains Anglais ont des variantes d’un gène qui colore leur peau et qui est d’origine néanderthalienne. Seraient-ils ceux qui ont voté pour le Brexit ?



(1) La plupart des informations génétiques contenues dans ce texte proviennent d’un article de Carl Zimmer, Genes for skin color rebut dated notions of race, The New York Times, October 12, 2017. L’article scientifique auquel Zimmer réfère et dont Sarah Tishkoff est l’auteur principal, Loci associated with skin pigmentation identified in African populations, a paru dans Science, 12 October 2017.

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