jeudi 30 novembre 2017

Le miraculeux multiplicateur

Pierre Pestieau

A plusieurs reprises, dans notre blog, Victor et moi nous sommes gaussés de l’effet multiplicateur que nos hommes politiques invoquaient pour justifier des dépenses injustifiables. Qu’il s’agisse du Circuit de Francorchamps, de Mons Capitale européenne de la culture ou de tel ou tel festival, on nous expliquait qu’un euro dépensé rapporterait 4 à 6 euros à la région, à la nation, au monde. C’est quasiment aussi bien que la multiplication des pains. Le multiplicateur est aussi invoqué pour arrêter ou ralentir la fermeture de centrales électriques ou de casernes. Il s’agit alors de calculer et d’opposer le gain financier qu’entraînent ces fermetures et les pertes d’emplois qu’elles provoquent. 


Qu’on me comprenne bien, je ne vise pas ici le multiplicateur keynésien qui est toujours d’actualité et selon lequel dans une économie en dépression, un investissement public peut relancer la demande et partant l’emploi.

Revenant à notre multiplicateur miraculeux, j’en ai trouvé une application inattendue dans un article récent (1). Il n’y aurait jamais eu autant de personnes déplacées de par le monde : 65,6 millions dont 22,5 millions de refugiés. Près de 85% de ces refugiés sont accueillis dans des pays en développement, souvent contigus de ceux qu’ils ont du quitter et où ils sont confinés dans des camps. 

L’étude en question porte sur le camp de refugiés de Kachma qui se trouve dans le nord du Kenya. Les refugiés sont originaires de Somalie et du Sud-Soudan. La conclusion de l’étude est que la population vivant aux alentours du camp bénéficie de sa présence par rapport à celle qui en est plus éloignée : les salaires augmentent, l’emploi aussi. Il y a renchérissement du bétail et d’autres produits agricoles. Une des méthodes utilisées consiste à mesurer à partir d’un satellite la luminosité des villages la nuit. Plus il y a de lumière, plus il y a d’activités. Cette méthode a été utilisée naguère pour mesurer l’importance de l’économie souterraine dans les pays du bloc soviétique.


 (1) J. Alix-Garcia et al. Do refuge camps help or hurt hosts ? The case of Kakuma, Kenya, Journal of Development Economics, 130, 60-83, 2017

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