jeudi 27 avril 2017

La pauvreté des enfants. Pour une politique biface

Pierre Pestieau

Il est régulièrement question de la pauvreté des enfants dans la presse. Elle est généralement nettement plus élevée que la pauvreté de l’ensemble de la société. Elle choque l’opinion un certain temps, le temps qu’un quelconque buzz la fasse oublier. Rappelons la manière fort imparfaite avec laquelle elle est mesurée. Sur base d’enquêtes sur le revenu des ménages, on calcule le revenu équivalent des membres de chaque ménage. Tout ménage ayant un revenu inférieur à une fraction du revenu médian sera déclaré pauvre. Typiquement cette fraction est de 60%. On prend alors l’ensemble de la population de moins de 18 ans et la fraction de ces jeunes qui appartiennent à des ménages pauvres sera considérée comme le taux de pauvreté parmi les enfants. Prenons une famille composée de deux parents et de deux enfants de moins de 14 ans. Supposons que les parents aient ensemble un revenu qui correspondrait au seuil de pauvreté.  Pour une personne isolée, le seuil de pauvreté en Belgique est de 1.083 € par mois en 2015. Partant du principe que les membres d’un ménage partagent les charges et les dépenses, un deuxième adulte dans un ménage se voit appliquer un facteur de 0,5 dans le calcul du seuil de pauvreté . Cela donne un seuil de 1.625 € pour les les deux parents. Avec deux enfants ils ont droit à des allocations familiales de 262 € par mois, ce qui donne pour cette famille un revenu de 1.887€. Or on considère que chaque enfant entraine des couts équivalents à 1/3 du revenu d’une personne isolée. Ce qui veut dire que le seuil de pauvreté d’un ménage composé de deux adultes et de deux enfants est égal à 2.274 € par mois. On le voit les allocations familiales ne permettent pas à cette famille d’éviter de tomber sous le seuil de pauvreté. Il me semble donc essentiel d’ajuster les allocations familiales pour éviter cette trappe à la pauvreté. Il me semble aussi crucial de ne pas différentier les allocations selon le nombre d’enfants. En général, elles sont plus faibles pour le premier enfant ; d’ailleurs en France, elles sont nulles pour ce malheureux enfant unique. La raison est que l’on veut stimuler la fécondité mais à quel prix et avec quelle efficacité ?


Autres questions. Faut-il soumettre ces allocations à l’impôt ? Doivent-elles être soumises à des conditions de ressources? Ces questions ne sont pas anodines. Dans certains pays, les allocations familiales échappent à l’impôt et à tout test de ressources. C’est le cas en Belgique et en France. Dans d’autres, elles sont soumises à l’imposition des revenus de la famille. Dans d’autres encore, elles sont en outre soumises à des conditions de ressources. Chaque formule a ses avantages et ses inconvénients. Nous défendons ici l’idée d’une allocation qui soit suffisamment généreuse pour éviter la pauvreté, qui soit soumise à l’impôt mais à aucun test de ressources. Cette position pourrait être défendue au nom de l’efficacité et de l’équité horizontale. Si l’allocation était soumise à des tests de ressources, cela voudrait dire que le taux marginal de taxation serait plus élevé pour les bas revenus que pour les hauts revenus. En d’autre termes, travailler une heure de plus serait d’avantage taxé pour les bas salaires. En outre avec les tests de ressources, ce qui voudrait dire supprimer les prestations pour les hauts revenus, on introduit une iniquité entre familles ayant les mêmes revenus mais un nombre différent d’enfants.

Par ailleurs, en imposant les allocations familiales, on décide de concentrer les ressources disponibles sur les familles à bas revenus, ce qui paraît plus juste. Il est clair qu’à budget donné, on luttera plus facilement contre la pauvreté des enfants en taxant les allocations familiales.(comment est-ce possible de taxer et d’améliorer la pauvreté ?)

La manière dont on identifie la pauvreté des enfants pose problème à plus d’un titre. D’abord, il n’est pas toujours certain qu’à revenu égal les parents traitent les enfants de la même façon. 

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