jeudi 13 octobre 2016

Et un lapin sortit du chapeau


Victor Ginsburgh

 Enfin, nous aurons un nouveau musée bruxellois qui sera installé dans le bâtiment dit Citroën. Bruxellois, si on peut dire. Etant donné que les musées belges n’ont depuis bien longtemps plus les moyens d’acquérir des œuvres d’artistes contemporains internationaux, la collection du Citroën « permettra à ce nouveau pôle culturel de disposer dès ses débuts d’une collection permanente constituée à partir de prêts » … que lui feront le Centre Pompidou. C’est en tout cas ce que dit Serge Lavigne, président dudit Centre P. Et, continue-t-il, « nous conseillerons sur la programmation, le spectacle, la politique pédagogique à destination des enfants et des adolescents et sur toute l’ingénierie muséale, gestion du musée, définition d’une politique d’acquisition, de restauration, etc. » (1). Tant mieux pour nous, mais, que fera Bruxelles dans tout ça ? Embouteiller l’arrivée au musée.


Entre ces déclarations et celles faites il y a 2 ans et demi par M. Rudi Vervoort (RV pour les intimes), Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles Capitale, il y a de la marge. A l’époque, la presse racontait « nous aurons notre MoMa, notre Guggenheim… 16.000 mètres carrés d’art moderne contemporain, nous avons de l’ambition », mais le dit RV mettait quand même un bémol à l’affaire. A une question qui lui avait été posée par L’Echo du 8 mai 2014 (2) : « L’aspect contemporain sera-t-il uniquement composé des collections existantes [sous entendu bruxelloises, voire ‘fédérales’] », RV répondait laconiquement : « Ce point devra être développé ». Pour un point, c’est un très gros point, puisqu’on apprend il y a quelques jours que ce seront les collections du Centre Pompidou qui pendront aux cimaises du MoMa de Bruxelles. Je ne serais pas content si j’étais le MoMa New York.

Je n’ai bien évidemment aucune objection à ce que Pompidou s’installe à Bruxelles, ça leur permettra de dégager un peu leurs réserves où sont engrangées 90% des œuvres. Et puis aujourd’hui, ce ne sont plus les œuvres que l’on prête, mais les musées eux-mêmes : le Louvre est bien installé à Abu Dhabi, le Guggenheim à Bilbao, des musées allemands ont délocalisé des parties de leurs collections au Dubai. Donc bienvenue à Pompidou dans nos murs…

D’autant plus que d’après un cabinet international d’experts dénommé EY, l’impact direct des retombées économiques sera de 2,4 à 4,8 millions d’euros par an, juste de quoi reconstruire et, espérons-le, entretenir un très petit tunnel routier pour arriver sans problème ni embouteillage au musée. Ceci est l’impact direct, mais il y en aura aussi plein d’indirect qui atteindra entre 31 et 62 millions. Et puis le musée créera 72 emplois directs et 337 emplois indirects (pas 336 ni 338, non, juste 337, y calculent de façon très précise ces experts).

Tout ceci me rappelle que les recettes de Mons ville Européenne ont aussi dépassé toutes les espérances, puisqu’elles ont été évaluées par deux cabinets d’experts à 5,5 fois les dépenses. Donc chaque euro investi par le bourgmestre de Mons a rapporté 5,5 euros à la ville. C’est grandiose, d’autant plus que les deux experts qui ont travaillé sans se consulter, arrivent au même chiffre magique de 5,5. Lille aurait fait un peu mieux, dit-on.

Il est bien connu que les experts collaborent avec les esprits, comme le font d’ailleurs nos élus politiques : ils sortent des lapins de leur chapeau.

[Une version très proche de cet article a été publiée par L’Echo du 8 octobre 2016.]


(1) Delphine Denuit, Le « Pompidou bruxellois » rapportera entre 2,4 et 4,8 millions d’euros à la Région, L’Echo, 1 octobre 2016.

(2) Voir mon blog du 15 mai 2014 «  Le Moma de Bruxelles », www.thebingbangblog.be

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