vendredi 30 septembre 2016

Le Déjeuner Sous l’Herbe

Victor Ginsburgh

Non, non, aucune erreur dans le titre. Bien sûr vous pensez tous au magnifique tableau d’Edouard Manet, qui a d’ailleurs créé un scandale abominable, et a été refusé au Salon de Paris, en 1863, parce qu’il était insupportable de représenter une femme nue, Victorine Meurant, la compagne de Manet, entourée de deux hommes assis (Manet lui-même, et son frère) en costume d’hiver. Hélas pour Manet et pour Victorine, le burkini n’a été inventé que bien plus tard, alors qu’aujourd’hui, on est ravi de rencontrer des femmes (presque) nues, aussi bien dans les bois (comme dans le tableau de Manet), que sur les plages et c’est, de façon absurde, le burkini qui est délictueux dans la même France que celle qui interdisait, il y a 153 ans le nu... dans la peinture.



Cent vingt ans plus tard, en 1983, l’artiste suisse Daniel Spoerri, connu pour ses compositions d’assiettes à la fin d’un dîner, collées sur un dessus de table et accrochées au mur (dont l’une représente les restes d’un repas laissés par Marcel Duchamp), enterre les restes d’un déjeuner organisé dans le Parc de la Fondation Cartier et intitule son œuvre Le Déjeuner Sous l’Herbe (voir http://www.dejeunersouslherbe.org/lenterrement-du-dejeuner/la-performance/). En juin 2010, Jean-Paul Demoule, professeur de protohistoire à l’Université de Paris et archéologue, se met à fouiller ce site historique d’art contemporain et déterre Le Déjeuner… Dans son article (1) il mentionne, entre autres, que le déterrement a permis de faire plusieurs constats sur la composition des mets et sur les processus de dégradation des différentes nourritures que les convives avaient ou n’avaient peut-être pas appréciées (puisqu’il y avait des restes) ainsi que sur les gobelets en plastique qui existaient déjà en 1983, et dont l’état de conservation était parfait.

Tant que nous en sommes à parler d’herbe, le 19 juin 2016, la pelouse du stade où avait lieu le match de football Suisse-France lors de l’Euro 2016, a été partiellement repeinte en vert (2) et des ventilateurs ont dû être utilisés pour sécher la peinture, couleur Bayer-Monsanto, sans la moindre mauvaise herbe bien sûr. Dommage que le beau pays de France n’ait pas demandé à un de ses grands artistes de faire cela. On peut imaginer que le gazon du stade Pierre-Mauroy de Lille n’a pas trop apprécié. Suite à la performance Bayer-Monsanto, il n’y a plus aucune nouvelle pousse de la moindre herbe.

Et puis, une assez surprenante et très poétique nouvelle de la nature (3), mais on pouvait s’en douter, puisque Darwin s’en était déjà rendu compte en 1880. Les bouleaux (et tous les arbres) dorment la nuit, sans devoir se gaver, comme certains d’entre nous, de somnifères. A la tombée de la nuit, leurs branches baissent la tête de quelque dix centimètres, et se remettent, ni vu, ni connu, en place à l’aube, et même leur tronc se penche légèrement lorsqu’il fait noir.



(1) http://www.jeanpauldemoule.com/a-propos-du-dejeuner-sous-lherbe-de-daniel-spoerri/
(2) Le HuffPost, 19 janvier 2016. http://www.huffingtonpost.fr/2016/06/19/suisse-france-pelouse-stade-pierre-mauroy-_n_10556564.html

(3) Brian Resnick, Why the scientific finding that trees « sleep » at night is beautiful, Vox, May 189, 2016 http://www.vox.com/2016/5/19/11700690/trees-sleep

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