jeudi 5 mai 2016

La peste et le choléra. A propos du chômage


Pierre Pestieau

Le chômage est une plaie et un scandale. Une plaie de voir tant de jeunes sans aucun espoir de décrocher un emploi même précaire et des familles où le chômage se transmet d’une génération à l’autre. Un scandale parce qu’en dépit de beaucoup d’effets d’annonce, la lutte contre le chômage ne semble pas être la priorité de nos gouvernements. Pour rappel en France et en Belgique francophone, le taux de chômage tourne autour de 10% et il est deux, voire trois fois plus élevé pour les jeunes dans certaines villes.

Certes je n’ai pas la formule magique mais je ne puis cacher mon irritation devant des propos souvent entendus à l’encontre de pays qui semblent mieux réussir en la matière, à savoir les Etats Unis, l’Allemagne et le Royaume Uni. Dans sa chronique mensuelle dans Libération, que je trouve généralement excellente, Ioana Marinescu (1) écrit en substance que les chiffres du chômage qui aux Etats Unis frisent le plein emploi sont à prendre avec de pincettes car ils cachent un réalité déprimante. Je la cite : « Alors que pendant la crise de 2007-2009, le chômage américain est monté jusqu’à 10 %, le marché du travail semble aujourd’hui se porter mieux avec un chômage à seulement 5 %. Pourtant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Sa principale réserve qui s’appuie sur une étude récente (2) est que la croissance du nombre d’emplois aux Etats-Unis au cours de la dernière décennie s’explique en grande partie par l’essor du secteur précaire et atypique. Elle aboutit au même constat pour l’Allemagne.


Cet argument on l’entend souvent accompagné d’autre considération du type : certes nous avons du chômage mais aussi une bonne protection sociale. Deux remarques sur ce point de vue. D’abord notre protection sociale est de moins en moins ‘protectrice’ faute de ressources pour la financer. Ensuite, il est évident que l’idéal serait le plein emploi avec emplois stables et correctement rémunérés, mais le choix dont il est question dans cette discussion est entre le chômage et le plein emploi avec dans les deux cas une partie des emplois qui sont précaires. A ce sujet, observons que le phénomène des working poors (des gens qui sont pauvre en dépit d’un emploi) n’est pas propre aux Etats Unis et au Royaume Uni mais se retrouve aussi en Belgique et en France.

Entre ces deux maux, plein emploi avec emplois précaires et chômage avec emplois précaires, je tends à préférer le premier.

Pour être court, on avance en général quatre solutions pour lutter contre le chômage:

1.     Accroître la qualité de la main d’œuvre,
2.     Flexibiliser le marché de l’emploi pour permettre aux employeurs d’engager plus facilement,
3.     Réduire les charges pesant sur le travail et particulièrement le travail non qualifié,
4.     Redynamiser la demande par une expansion budgétaire.

La première solution est naturelle dans la mesure ou le chômage sévit surtout chez les non-qualifiés. Malheureusement sa mise en œuvre est difficile en dépit de sommes importantes consacrées à l’enseignement. La seconde solution, illustrée par la réforme du marché du travail que le gouvernement français tente de faire passer, se heurte à une forte opposition et ses effets ne sont pas garantis. Enfin, il y a les troisième et quatrième solutions qui me semblent les meilleures mais qui se heurtent à l’orthodoxie financière de nos gouvernements nationaux et des organisations internationales (Commission européenne, FMI, OCDE).

(1) http://www.liberation.fr/chroniques/2016/04/04/aux-etats-unis-seuls-les-emplois-precaires-ou-atypiques-croissent_1443918
(2) Larry Katz et Alan Krueger , The rise and nature of alternative work arrangements in the United States, 1995-2015



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