mercredi 2 mars 2016

Philématologisons ensemble

Victor Ginsburgh

Baiser Cartier Bresson
Je viens de lire un article dans le très sérieux American Journal of Medicine (1) sur la philématologie, qui est la science des embrassades amoureuses et autres. On y apprend des choses extraordinaires qu’on a sûrement tendance à oublier avec l’âge. Joseph Alpert, rédacteur en chef de la revue et auteur de l’article, annonce des détails anatomiques, neurophysiologiques, épidémiologiques et cliniques, qui reposent sur des sources scientifiques et semblent à peu près toutes très sérieuses, puisque certaines ont été  glanées dans le Journal of Infectious Diseases, d’autres dans le Journal of  Infectious Chemoterapy, ou le Journal of Psychosomatic Research. De quoi se réjouir et d’essayer d’embrasser bien.

Commençons par les bonnes nouvelles. Embrasser fait appel à une série de muscles faciaux, dont le orbicularis oris (situé autour de la bouche et des lèvres) est le plus important. On pouvait évidemment s’y attendre, et je suppose que vous saviez tous cela. Des baisers simples utilisent deux muscles seulement et brûlent 2 à 3 calories. Pas question de maigrir en embrassant, sauf à faire mille baisers (3 000 calories brûlées !), mais ça c’est plus souvent ce qu’on écrit dans les lettres, ce qui ne brûle que 0,5 calorie et fait mal aux doigts quand c’est manuscrit, ce que devrait naturellement être le cas dans une lettre d’amour. Un email consomme zéro calorie, jetez votre PC, il ne vaut rien, et en le jetant, vous brûlez des calories.

Mais on peut faire mieux en étant passionné, ce qui fait intervenir 23 à 24 muscles faciaux et jusqu’à 112 muscles posturaux (du bassin, de la colonne vertébrale, des épaules et des abdominaux). Coût : 5 à 28 calories par minute. Pas si mal, d’autant plus que cela permet d’éviter des rides, alors que la course à pied, bof.

Baiser Hulton Getty
Pendant qu’ils s’embrassent, les acteurs du couple échangent 9 millilitres d’eau, 0,7 mg de protéines, 0,18 mg de composants organiques, 0,71 mg de diverses graisses et 0,45 mg de chlorure de sodium. Mais aussi 10 millions à un milliard de bactéries de 278 espèces différentes, dont seulement 95 pourcent sont non pathogènes pour autant qu’on supporte le partenaire, sans quoi c’est pire. Je ne vous donne pas les noms des virus contenus dans ces cinq pourcent, vous risquez de ne même plus donner le moindre bisou. Ce qui serait dommage, parce que…

Les lèvres sont 100 à 200 fois plus sensibles que le bout des doigts et le baiser augmente sensiblement les endorphines et la dopamine. Ces modifications dans le système nerveux central accélèrent le rythme cardiaque et la pression sanguine. Mais on s’en fout, y’a des médicaments pour soigner ça. Par contre, l’augmentation de salive qu’engendre le baiser réduit la chute des dents et augmente la durée de vie.

Mince alors ! Faut que j’en parle à mon co-blogueur Pierre Pestieau, qui verra avec plaisir une diminution des dépenses de santé, encore que les maisons de retraite se rempliront de vieux qui voudront encore plus baiser, pardon, plus de baisers. Faut pas mélanger les choses, quand même.



 (1) J. Alpert, Philematology : The science of kissing, The American Journal of Medicine 126(6), p. 466, 2013 http://www.amjmed.com/article/S0002-9343(13)00186-1/fulltext

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