jeudi 28 janvier 2016

Cent années de béatitude. Le paradis sur terre

Pierre Pestieau

Les gamins de Bogota
Je m’apprête à retourner en Colombie pour le travail et le plaisir, comme on dit à propos de ce type de voyage où l’on joint l’utile à l’agréable, à moins que ça ne soit le contraire. La Colombie est un pays attachant. Je l’ai découverte indirectement lorsque dans le début des années 60, jeune étudiant à l’UCL, je fréquentais la Casa Colombiana, où l’on parlait de la révolution, de Marx et de Camilio Torres. Ce prêtre colombien, sociologue et militant de gauche passa par Louvain avant de rentrer au pays. Déçu du manque de résultats politiques de son action, il entra en clandestinité pour rejoindre la guérilla colombienne et mourut en 1966 lors d'une action militaire. C’était l’époque où la guérilla colombienne avait bien meilleure réputation qu’aujourd’hui. Je suis allé en Colombie ces dernières années et j’ai en effet trouvé un pays fort accueillant mais où régnaient pauvreté et inégalités et où existait un certain sentiment d’insécurité qui, il est vrai, a diminué récemment. Quelle ne fut donc pas ma surprise en découvrant qu’une enquête révélée par The Washington Post (1) classait la Colombie comme la nation la plus heureuse du monde « the happiest nation in the world ». Et le quotidien de signaler que c’est la deuxième année que la Colombie occupe cette place.


Shakira
J’ai naturellement essayé d’en savoir plus en consultant l’original (2). Parmi les dix premiers pays, on trouve le Mexique, l’Arabie saoudite et la Chine, trois pays où la peine de mort est largement répandue, pratiquée par les gangs dans le premier et par l’Etat dans les deux autres. Parmi les dix derniers classés, on ne sera pas surpris de trouver l’Iraq, la Grèce et la Palestine, mais aussi Hong Kong, la France et l’Italie. Ce n’est pas le premier classement visant à comparer le bonheur dans différents pays. Dans les classements centrés sur l’Europe, il existe une constante : les Danois sont les plus heureux, les Français et les Italiens les plus malheureux. Il ne faut pas être grand clerc pour n’attribuer aucune confiance à ce type d’études. Leur index du bonheur est indépendant du régime politique, du niveau de vie et de la qualité de l’Etat providence. Un des meilleurs spécialistes de l’économie du bonheur, Richard Easterlin, s’est d’ailleurs toujours refusé à accorder le moindre crédit aux comparaisons internationales. Ses travaux portent sur l’évolution du bonheur dans une société donnée. Il a ainsi mis en lumière ce qui s’appelle aujourd’hui le paradoxe d’Easterlin selon lequel une hausse du PIB ne se traduit pas nécessairement par une hausse du bonheur ressenti par les individus (3).


(3) Richard Easterlin, Does Economic Growth Improve the Human Lot?, dans Paul A. David et Melvin W. Reder, Nations and Households in Economic Growth : Essays in Honor of Moses Abramovitz, New York : Academic Press,1974.

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