Victor Ginsburgh
Certains d’entre vous — et certainement ceux qui comme moi
avaient affiché
un grand poster de Che Guevara au mur de leur bureau — se souviendront du film
documentaire ¡Cuba Sí! que Chris Marker avait
tourné en 1961, pour marquer le premier anniversaire de la révolution cubaine, et
du boycott stupide de plus de 60 ans que les Etats-Unis ont imposé au pays et
que, comme des moutons, nous avons allègrement suivi. Allègre veut aussi dire
« joyeux ».
Quelle joie c’était, par contre, de voir finalement Batista éliminé.
C’était un homme corrompu, ami de la mafia américaine, familier de la torture
et des exécutions publiques — ce qui ne nous dérangeait pas plus à l’époque
qu’aujourd’hui à voir nos petits pactes récents avec certains pays (2). C’est
aussi l’homme qui a révoqué lors de son retour à Cuba en 1952 la Constitution
relativement libérale qu’il avait lui-même fait adopter lors de sa première
présidence de 1940 à 1944 et qui a fini par se réfugier au Portugal de
Salazar où il a vécu, dans les environs d’Estoril, riche et heureux de ses
pillages à Cuba.