jeudi 4 juin 2015

BHL. Un nouvel envol de tartes à Namur


Victor Ginsburgh

A la vérité, il n’y aurait pas à s’étonner que le temps lance son sablier au visage d’un pareil larron (Georg Lichtenberg, Pensées)

Le plus grand clown français de tous les temps, Bernard-Henri Levy, s’est une fois de plus (c’est la huitième) fait entarter en Belgique par l’immortel Noël Godin (et s’il n’est pas immortel, Dieu devrait lui accorder ce privilège, en tout cas tant que BHL est vivant).

C’est si bon de parler de temps à autre de ce grand BHL
Le Maître Déguisé en Crème Chantilly et son Garde du Corps
qui finira bien par se retrouver au Panthéon. Mais contrairement à Marc-Antoine (1), je ne suis pas là pour inhumer le grand Bernard, mais pour le louer des paroles magnifiques qu’il a prononcées pendant et après son dernier entartage. Il était venu pour parler de Baudelaire avec l’artiste Jan Fabre. Au moment de l’événement, il discourait sur Georges Bataille, en anglais (2). Si vous ne comprenez pas ce qu’il voulait dire, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas parce que vous ne comprenez pas l’anglais, c’est parce que l’orateur n’avait rien à dire.

Après l’entartage, il revient poursuivre son débat avec Fabre et suggère : « On ne peut pas se laisser intimider par des incultes pareils qui ne savent même pas qui est Baudelaire ». Faut oser dire cela, lui qui a pris pour argent comptant ce qu’un certain Jean-Baptiste Botul (en réalité, Frédéric Pagès, journaliste au Canard Enchaîné) avait raconté dans son canular La vie sexuelle d’Emmanuel Kant (3). Kant le philosophe bien entendu, comme BHL.

Et c’est loin d’être sa seule gloire. Il prend la défense de tous les peuples (sauf du peuple palestinien) et a sauvé le peuple libyen par une guerre qu’il appelait « juste ».

Il fait du cinéma. Son film Le jour et la nuit obtient la
Tournage de Le Jour et la Nuit. Le Maître et Arielle
note de 2,4/10 sur IMDb (4). Chabrol le considère comme « le film le plus con de l’année » (5). Les Cahiers du Cinéma l’ont qualifié « du plus mauvais film français depuis des décennies » et Libération en parle comme d’un « navet certifié » (6). Le cinéaste serbe Kusturica
a déclaré au micro de France 2 avoir repris sa carrière après la projection du film : « J'ai changé d'avis en voyant les dommages que Bernard-Henri Lévy pouvait causer au monde du cinéma. Je me suis dit, tu dois y retourner, tu ne peux pas laisser faire ça » (6).

Néanmoins, BHL est d’une élégance rare. Sa sensibilité d’homme de gauche, ses chemises échancrées à bas prix et son poitrail garni de poils noirs. Si ses cheveux commencent à grisonner, ce n’est pas sous le poids du travail non accompli. Il n’en a pas vraiment besoin : son père était un richissime esclavagiste exploitant des coupes de bois en Côte d’Ivoire (7). Et il cause si bien. Lors de son premier entartement, et alors que Godin était maintenu au sol, il lui a crié « Lève-toi ! Lève-toi vite, ou je t’écrase la gueule à coups de talon ! »

Et ce qui a si bien commencé avec une pensée de Georg Lichtenberg, peut aisément se terminer par cette autre : « Ce n’est pas la force de son esprit mais celle du vent qui a élevé cet homme ».

PS. Je vous conseille de voir ce qui arrive à son vieil ami, Alain Finkielkraut, cet autre « nouveau philosophe » de la même époque sur le site
http://www.legorafi.fr/2015/05/29/lorganisme-humain-peut-supporter-pres-de-trente-minutes-de-discussion-avec-alain-finkielkraut/

(1) « Je viens pour inhumer César, non pour le louer. Le mal que font les hommes vit après eux ; le bien est souvent enterré avec leurs os ». (Shakespeare, Jules César, Discours de Marc-Antoine, Acte 3, scène 2).


(3) Jean-Baptiste Botul, La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant, édition critique établie par Frédéric Pagès, Paris: Mille et une nuits, coll. La Petite Collection, 1999.


(5) Le Figaro du 15 janvier 2002.


(7) Voir Nicolas Beau et Olivier Toscer, Une imposture française, Paris: Les Arènes, 2006. Les deux auteurs sont journalistes, le premier au Canard Enchaîné et le second au Nouvel Observateur.


3 commentaires:

  1. Ce billet aussi, sur le même sujet : http://rue89.nouvelobs.com/2015/06/02/bhl-entarte-irrepressible-peu-honteuse-jubilation-259492

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  2. mais pourquoi ça me fait autant plaisir de lire ça? (ainsi que le truc sur Finkelkraut?). Je crois qu'il faut que ce soit Victor Ginsburgh qui l'écrive pour qu'on sache que ce n'est pas déformé (voire, carrément censuré!).

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  3. L'entartage, c'était drôle la première fois. Après, ça devient du harcèlement. Et s'en prendre à BHL est d'une rare lâcheté; je vois mal Godin inquiéter Dieudonné - qui le mérite bien plus -, vu son service de sécurité.
    Enfin, Finkielkraut ne donne mal à la tête qu'aux gens qui peinent à réfléchir, constituant hélas la triste majorité.

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