mercredi 21 janvier 2015

Un musée pour un chat


Chat (toile de grand format)
Victor Ginsburgh

Un musée pour un chat ? Pas pour n’importe lequel, ni pour celui du Rabbin (de Joann Sfar), ni pour celui de Perse, mais pour celui de Geluck.

Au lendemain des fusillades à Verviers, et une semaine après celles de Paris, je viens de lire (1) que Joëlle Milquet, Ministre de la Cul-ture [avec un Q majuscule] en Fédération Wallonie-Bruxelles, a rencontré le papa du Chat [avec C majuscule dans le texte] « pour discuter de l’éventuelle installation d’un musée du Chat à Bruxelles pour y déposer notamment les toiles de grand formats ». L’auteur du chat demande très modestement 1500 à 2000 mètres carrés à proximité de la Grand-Place « en contrepartie de quoi [il] prendra à sa charge tous les frais d’installation du musée et embauchera le personnel nécessaire à son exploitation, soit quelque 30 équivalents temps plein ». On se demande ce qu’ils feront, mais ça résout en tout cas le problème du chômage à Bruxelles.


Je n’ai rien contre le dessinateur, ni contre son succès, mais je ne regardais jamais ses dessins. Pour me dédouaner, j’ajouterai que je ne lisais jamais non plus Charlie Hebdo (auquel je vais m’abonner). Il n’y a donc rien de discourtois dans ce que j’écris. Je lis par contre, pas très souvent je le reconnais, Le Canard Enchaîné dont l’humour et l’humeur me vont beaucoup mieux.

Ce qui me trouble le plus, c’est ce que dit le député Olivier Maroy, exhortant Joëlle Milquet à « se montrer plus efficace que ses prédécesseurs qui ont laissé pourrir le dossier [Geluck, je suppose] ». « Par le passé », ajoute-t-il, « et à maintes reprises nous avons vu une partie de notre patrimoine filer ailleurs. Ce fut le cas pour Schuiten, des planches de Jacobs [Blake et Mortimer] ou encore de Franquin. On se doit de réagir et vite ».

Je m’attendais quand même à ce que soit ajoutée dans cette liste d’oublis la collection incomparable d’art conceptuel de Daled, exposée il y a quelques années à Munich, qu’aucune huile belge, ni cul-turelle, ni politique n’est allée visiter, et que les Daled ont fini par vendre au Moma de New York. Un des curateurs du musée était évidemment venu à Munich et le directeur considère que la collection est « une des acquisitions  les plus importantes de l’histoire du musée ». Et pourtant, sauf erreur, la collection Daled ne comptait pas de bandes dessinées, mais pas mal de Broodthaers, un des artistes belges les plus connus à l’étranger, sans compter des Buren, On Kawara, Sol LeWitt, Vito Acconci et bien d’autres que la Belgique « a laissé filer ailleurs » comme dit si bien le député.

Je me complais à imaginer que pas plus la Ministre de la Cul-ture, que le député MR ont jamais entendu parler de ces artistes. Il y en a un, par contre, qui sait ce que sont le Moma et le Guggenheim, c’est l’ancien Ministre Président du Gouvernement de la Région Bruxelles Capitale, Rudi Vervoort qui avait annoncé en mai 2014, que « nous aurons notre MoMa, notre Guggenheim… 16.000 mètres carrés d’art moderne et contemporain, avec entre autres, Picasso, Bacon, Dali, Miro… nous avons de l’ambition » (2), mais, ai-je envie d’ajouter, pas de quoi exposer dans un Musée d’Art Contemporain digne de ce nom (même quand il n’est pas fermé).

La cul-ture ne se porte décidément pas bien en Belgique. Il n’y a pas que l’Opéra de la Monnaie qui souffre.

P.S. Un texte très proche de celui-ci a été publié par l’Echo le 21 janvier 2015. Au Q majuscule près qui représentait la première lettre de Cul-ture, qui a été sucré par le journal.


 (1) Bruxelles en quête d’un lieu pour héberger son plus célèbre chat, L’Echo, 16 janvier 2015.
(2) Voir mon blog du 15 mai 2014 sur www.thebingbangblog.be

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