jeudi 29 janvier 2015

Faut-il sauver BELSPO ?

Pierre Pestieau

Après avoir sauvé le soldat Ryan (1), faut-il sauver BELSPO?  Pour les non initiés l’acronyme BELSPO n’évoque sans doute rien, certainement pas la recherche scientifique. Et pourtant c’est de cela qu’il s’agit. BELSPO est un organisme gouvernemental belge responsable de la coordination des politiques scientifiques au niveau fédéral. Il définit et met en œuvre les programmes et réseaux de recherche et gère la participation de la Belgique dans les organisations de recherche européennes et internationales. Son existence est menacée par le processus de décentralisation que connaît la Belgique depuis de nombreuses années, mais aussi par le souci que le gouvernement a de faire des économies tous azimuts.
La communauté scientifique essaie de résister à cette menace, notamment en adressant aux responsables fédéraux une pétition dont un des intitulés n’est rien moins que « Vers un meurtre avec préméditation ».


Naturellement j’ai signé cette pétition et je suis sur que Victor Ginsburgh (2) a fait de même. Cela ne m’empêche pas de m’interroger sur le bienfondé de cette résistance des chercheurs, plus forte au sud qu’au nord du pays. Pourquoi s’opposer à la création de deux organismes, un flamand et un francophone ?

Si en effet cette réforme avait pour but essentiel de réduire l’argent consacré à la recherche scientifique, il y aurait motif à résistance. Et si ce n’était pas le cas ?

Une des contributions de BELSPO qui est souvent rappelée est de permettre aux chercheurs flamands et francophones de se retrouver dans des projets communs. Certes, mais ce type de collaboration pourrait exister et existe en dehors de BELSPO. En outre on pourrait reprocher à BELSPO de parfois donner lieu à des équipes dont le seul mérite est d’être linguistiquement différentiées. On notera en passant que la même critique s’adresse aux réseaux européens. Pour augmenter ses chances d’obtenir une subvention, on accueille une série de maillons faibles dont le seul mérite est d’assurer au réseau une diversité prioritaire aux yeux de nos excellences européennes.

Du côté francophone une crainte que l’on peut avoir est que nos gouvernements régionaux et communautaires ne maintiennent pas l’enveloppe budgétaire consacrée actuellement à la recherche francophone. Deux raisons à cela, la région est moins riche et sa gouvernance est moins portée sur la recherche. C’est l’argument défendu par de nombreux « belgicains » francophones: la gouvernance fédérale serait meilleure que la gouvernance régionale ou communautaire.

Enfin il y a l’argument économique. Quel est le bon niveau de pouvoir pour financer et organiser la recherche ? Ce n’est pas nécessairement la région, ni d’ailleurs la fédération. Pour la recherche fondamentale, l’Europe s’impose. En revanche, il y a toute une série de thématiques qui aujourd’hui pour des raisons de capacité financière ne sont couvertes qu’au nord du pays alors qu’elles intéressent l’ensemble. On pense à la santé, aux inégalités et aux retraites. La recherche fondamentale est un bien public mondial ; la recherche appliquée peut parfois porter sur des questions géographiquement limités. En d’autres termes, idéalement, le niveau optimal de gouvernement devrait dépendre de la nature de la recherche. C’est un des principes du fédéralisme fiscal.

(1) Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan) est un film de guerre américain réalisé par Steven Spielberg, sorti en 1998.

(2) Oui, bien sûr, dit-il.

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