mardi 21 octobre 2014

Construisez des ponts et des routes, Madame Merkel


Pierre Pestieau

« Quand des routes défoncées freinent les Allemands
qui vont bosser, les chômeurs français peuvent rouler sans souci sur des voies impeccables pour aller pointer au Pôle emploi… »
C’est par cette boutade que le Canard Enchainé (1-10-14) conclut un article signalant la faiblesse des dépenses d’investissement public de l’Allemagne (1,6%), alors que la France peut se targuer d’un niveau nettement plus élevé (3,2%).

La plupart des pays européens qui ont pratiqué l’austérité budgétaire ont dû baisser le montant de leurs dépenses publiques et dans cette opération, ils ont d’abord coupé dans les dépenses d’investissement. Cela fait moins mal dans l’immédiat. En revanche à terme, cela peut s’avérer extrêmement coûteux. C’est un peu comme ce ménage qui face à une baisse de revenu se refuse à réduire son niveau de consommation et préfère ne pas réparer une toiture qui fuit. Après quelques années il ne suffira plus de remplacer quelques ardoises mais l’ensemble du toit y compris la charpente.
En finances publiques, l’immédiat a la priorité parce que c’est ce qui intéresse l’électeur et donc l’homme politique. L’immédiat couvre les salaires et les dépenses courantes. En revanche les dépenses d’investissement et les différentes formes d’endettement, que ce soit par le système de retraites ou par la dette publique traditionnelle, intéressent moins parce qu’elles affectent non pas les générations présentes mais futures.

Dans une étude récente du think tank Bruegel (1), on apprend que les dépenses d’investissement ont baissé de 1% sur la période 2009-2013 dans les pays de l’Europe des 15 à l’exception de l’Italie et des PIGS (littéralement, « porcs » en anglais), ce détestable acronyme utilisé pour désigner les quatre pays malades de l'Union européenne (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne). En revanche la chute a été de 51% pour les PIGS et de 24% pour l’Italie. A côté de cela, les Etats Unis ont vu leurs dépenses d’investissements publics augmenter de 20% durant la même période. Il y a quelque chose d’ironique dans ce tableau. Ce sont précisément les pays qui connaissent une forte dépression qui devraient renoncer temporairement à des coupes budgétaires trop drastiques surtout dans les domaines des dépenses d’investissement. En maintenant ces dépenses, on maintient la demande globale à un niveau tolérable et de surcroît on peut justifier la non réduction des déficits en arguant du fait que de telles dépenses bénéficieront aux générations futures et compenseront pour partie la dette qui leur est transmise. On ne prête qu’aux riches, en l’occurrence les Etats Unis et la Suisse qui eux n’ont cessé d’accroître leurs dépenses d’investissement.

Pour revenir à l’Allemagne avec laquelle nous avons commencé, il est clair que ses investissements publics sont extrêmement faibles. Cela a conduit l’hebdomadaire The Economist du 18 octobre 2014 d’y consacrer un article intitule : Le gouvernement allemand devrait investir dans ses infrastructures et ne pas tant se préoccuper d’équilibrer son budget. (The German government should invest money in infrastructure, not worry about balancing its budget) (2). L’article commençait par une invective adressée a la Chancelière: Build some bridges and roads, Mrs Merkel.

(1) Francesca Barbiero and Zsolt Darvas, In sickness and in health: protecting and supporting public investment in Europe, Bruegel Policy Brief, February 2014.
(2) http://www.economist.com/news/leaders/21625784-german-government-should-invest-money-infrastructure-not-worry-about-balancing-its
 



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