mercredi 30 avril 2014

Les deux mains du FMI


Pierre Pestieau

« Trouvez-moi un économiste manchot ! », s’est un jour écrié Harry Truman. Le président en avait assez de ces économistes qui disaient « dun côté – on the one hand – cela peut arriver mais de l’autre côté, – on the other hand – il y aussi ceci ».
 Si la nuance et l’équilibre font partie de la démarche scientifique, on peut comprendre qu’ils soient frustrants au moment d’agir. C’est le sentiment que l’on a aujourd’hui en écoutant les avis du FMI sur la politique à mener en Europe et en Belgique tout particulièrement. D’une part, sous la houlette de son chief economist, le français Olivier Blanchard, il met les dirigeants européens en garde contre les politiques d’austérité qui conduisent à la déflation et à la décroissance. D’autre part, le FMI vient de coiffer la Belgique d’un bonnet d’âne en matière budgétaire. Il ressort en effet de la dernière livraison du Fiscal Monitor du FMI (1) que la Belgique est le pays qui a connu l’une des plus fortes croissances des dépenses publiques durant ces cinq dernières années. Elle se situe juste derrière le Japon. En faisant une comparaison avec des pays proches, le FMI note que ce n’est qu’en 2013 que de réels efforts ont été consentis mais dans un contexte de croissance plus faible. Tout en déplorant cet état de fait, le FMI reconnaît que n’étant pas soumise à un régime d’austérité aussi sévère que de nombreux pays voisins du sud mais aussi du nord, la Belgique affiche un taux de croissance au-dessus de la moyenne européenne en 2013. D’où la question : faut-il se réjouir de ce dérapage dans les dépenses ou le regretter ? D’autant qu’il ne s’est pas accompagné d’un dérapage budgétaire, parce que simultanément la Belgique a augmenté ses recettes fiscales. 
A mon sens le gouvernement a sans doute raison de ne pas pratiquer une austérité stérile mais il devrait le faire de manière rationnelle et cohérente et non pas en évitant de prendre des décisions qui à terme sont inévitables et nécessaires, mais qui, dans l’instant, peuvent être coûteuses électoralement. C’est un peu comme la décroissance. On peut penser que la décroissance ou en tout cas la croissance zéro est souhaitable pour des raisons environnementales mais une décroissance voulue est tout à fait différente de celle qui résulte d’une crise telle que celle que nous venons de connaître. Pour prendre un autre exemple, on peut difficilement se réjouir d’une perte de poids par ailleurs nécessaire si elle résulte d’un cancer alors que si elle procédait d’un changement dans les habitudes alimentaires, elle serait la bienvenue.

En l’occurrence, l’augmentation de nos dépenses publiques n’est pas vraiment voulue ; elle est essentiellement imputable à l’absence de maîtrise budgétaire dans le domaine des soins de santé et des retraites. Ce serait tout à l’honneur de notre gouvernement de maintenir que l’austérité budgétaire peut attendre mais tout à la fois de réformer ses systèmes de santé et de retraites et sa fiscalité. Cela permettrait de réorienter une partie des dépenses publiques en direction d’investissements qui seront dans un futur proche porteurs d’emploi. On le sait trop les coupes budgétaires des décennies récentes ont eu les dépenses publiques d’infrastructure comme principales victimes. Quant à la fiscalité, sans modifier le niveau des recettes publiques, elle gagnerait en efficacité et en équité à être totalement refondue.


(1) http://www.imf.org/external/pubs/ft/fm/2014/01/pdf/fm1401.pdf

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