mardi 10 décembre 2013

Australie. Si lointaine et si proche


Pierre Pestieau

Je viens de faire un séjour de plus de trois semaines en Australie et j’aimerais livrer quelques réflexions sur ce voyage. A la fois, j’ai mauvaise conscience de faire des commentaires qui pourraient paraître désobligeants pour des personnes hypersensibles. Après tout, j’ai été accueilli par des gens charmants  et il n’est pas séant de déblatérer à leur sujet à peine repris le chemin du retour.

Ma première impression est que les Australiens se sentent beaucoup moins isolés qu’ils ne l’étaient il y a un demi siècle et même il y a une dizaine d’années, lors d’un premier séjour. Les moyens de transport sont moins chers et nettement plus rapides mais surtout ils sentent que le centre de gravité du monde se déplace et se rapproche d’eux. Leur politique migratoire et culturelle est davantage tournée vers l’Asie.

Ce qui me frappe chez les Australiens d’origine européenne est leur attachement filial à l’Angleterre. Ils partagent avec celle-ci la même reine. C’est un attachement étrange quand on sait que les Anglais ont longtemps eu de la condescendance, si ce n’est du mépris, à l’égard de leurs concitoyens du Commonwealth. Me reviennent à la mémoire deux films où ce mépris tourne a l’horreur ; les soldats australiens sont envoyés au front pour épargner des vies anglaises ; il sont traités comme de la vulgaire chair a canon.

Le premier, un film de 1981, intitulé Gallipoli relate la Bataille des Dardanelles et plus exactement l’histoire de deux amis australiens qui se retrouvent à Gallipoli, en Turquie, et y découvrent les horreurs de la guerre. Le second, Héros ou Salopards (Breaker Morant), est un film australien qui date de 1980. Il narre le procès de 3 soldats australiens accusés de meurtre mais qui surtout sont utilisés par l’état major anglais pour obtenir un traité favorable avec les Boers.

Lors d’un dîner, par ailleurs copieux et arrosé des meilleurs vins du pays, je demandais à mes hôtes australiens pourquoi ils gardaient cette admiration désuète pour l’ancienne puissance coloniale. Je reçus une réponse d’économiste. Ils m’expliquèrent que de toutes les colonisations l’anglaise était de loin la meilleure ; elle leur avait donné des institutions qui leur avaient permis de se développer rapidement comme les Canadiens, les Américains et les Néo-Zélandais. L’un me dit avec malice qu’il avait fait un cauchemar : l’Australie aurait été achetée par Léopold II. Mais le Zimbabwe ou l’Uganda, tournent aussi au cauchemar sans avoir eu besoin des Belges.

Avec le temps, pris de remords et rassurés sur l’avenir, les Australiens se sentent obligés de rendre hommage à la culture aborigène qu’ils avaient efficacement éradiquée. C’est ainsi qu’en 2008 la première ministre travailliste a présenté, pour la première fois, ses excuses officielles aux Aborigènes d'Australie. A Canberra, Melbourne et ailleurs (je parle des lieux que j’ai visités) des musées sont consacrés à l’art aborigène. Mon étonnement fut de constater que les œuvres exposées étaient extrêmement récentes, certainement postérieures à la quasi élimination de ce peuple et donc réalisées dans ce qu’il faut bien appeler des réserves.

Il n’y a pas que les Anglais qui se  sont montrés cruels envers les Australiens ; il y a aussi les pies. Je les croyais jacassières ou voleuses ; en Australie j’ai fait l’expérience de pies rapaces, aussi féroces que les oiseaux de Hitchcock. Elles s’attaquent particulièrement aux cyclistes au moment de la nidification ; pour les éloigner, ceux-ci arborent un casque hérissé de longues tiges, évoquant ainsi des personnages de Star War.

(1) Cette bataille fit 841 victimes australiennes. En Australie, on se rappelle la défaite de Gallipoli comme du baptême du feu pour l'armée australienne et la nouvelle nation qu'est l'Australie (de même pour les Néo-zélandais). Une cérémonie se déroule chaque année à Gallipoli le 25 avril (ANZAC Day).

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