Victor Ginsburgh
Jacob Frenkel, un célèbre économiste, docteur en
sciences économiques de l’Université de Chicago, auteur d’un très grand nombre
d’articles en théorie macroéconomique et monétaire (1), actuellement Président
de la JPMorgan Chase International et avant cela Vice-Président de l’American
International Group (AIG) et Président de Merril Lynch International, membre de
l’Académie Américaine des Arts et Sciences, titulaire de nombreux prix, dont le
Prix Israël en Economie, s’est vu pincer il y a quelques années (en 2006) à
l’aéroport de Hong Kong parce qu’il était sorti d’une boutique de luxe en
tenant dans la main, une valise qualifiée de chère, qu’il avait
« omis » de payer.
Un petit malheur l’a rattrapé. Pressenti pour
devenir Gouverneur de la Banque Centrale d’Israël, il a été interviewé, comme
il se doit. Il a, hélas, oublié de déclarer qu’il avait été arrêté, détenu et
jugé pour vol par une cour de Hong Kong, et a été choisi pour le poste (qu’il
avait d’ailleurs déjà occupé entre 1991 et 2000). Bien sûr, quelqu’un de bien
intentionné s’est rappelé du fait et l’a aussitôt fait paraître (2) dans la
presse.
M. Frenkel a, en toute honnêteté, immédiatement, renoncé
à sa candidature, tout en déclarant qu’il s’agissait d’un malentendu :
« Cela s’est passé dans la zone duty free de Hong Kong… Ils ont pensé,
a-t-il déclaré, que j’étais sorti avec une grande valise que je n’avais pas
payée. En réalité, je m’étais arrangé avec une amie qui devait se mettre dans
la file à la caisse et payer », mais ce n’est pas tout à fait ce qui s’est
passé. « Les autorités de Hong Kong » continue M. Frenkel, « sont
arrivées à la conclusion qu’il s’agissait en effet d’un malentendu et ont
exprimé leurs regrets et marqué leur satisfaction que je n’introduise pas une
action contre eux pour me faire dédommager du préjudice subi» (3), (4).
Quelques jours après (le 7 août 2013) cet incident
tout compte fait mineur dans le chef d’un banquier, une profession dans
laquelle bien d’autres ont fait bien pire, les autorités de Hong Kong ont
confirmé que M. Frenkel avait en effet été arrêté, accusé de larcin et nient s’être
excusées auprès de lui, comme il l’a prétendu (4).
Voilà ce que c’est de voler à l’étalage, il n’y a
pas que ceux qui y piquent une orange ou une bière qui se font prendre. Cela
arrive même aux banquiers. La seule chose à faire quand on est un banquier
sérieux, c’est de se placer non pas devant (parce qu’on pourrait se faire
voler) mais derrière son bureau au sommet d’une tour à Wall Street ou dans la
City et de voler quelques dizaines, voire centaines de milliards. Ca, ça paie,
et on n’est pas poursuivi, ou si peu.
Pourquoi pensez-vous que Jerôme Kerviel, trader à
la Société Générale à Paris, Fabrice Tourre, trader chez Goldman Sachs à New
York, Javier Martin-Artajo et Julien Grout deux traders de JPMorgan à Londres se
sont fait coincer ? Parce qu’ils étaient devant le bureau du chef et pas
derrière. Le chef a ses garde-corps.
(2)
Vous noterez, en passant que je continue à utiliser l’ancienne orthographe
française qui imposait l’accent circonflexe dans le mot « paraître ».
Tout fout le camp !
(3) Haaretz, 29 juillet 2013,
http://www.haaretz.com/news/national/.premium-1.540263
(4) Haaretz, 7
août 2013, http://www.haaretz.com/news/national/.premium-1.540263
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