jeudi 17 janvier 2013

Grèce: Pénurie de médicaments, enrichissement des fonds spéculatifs et arrestation d’un journaliste


Victor Ginsburgh

Le titre vous livre tout, je n’ai plus grand-chose à ajouter. Sauf que les détails sont évidemment un peu plus sordides.

Les firmes pharmaceutiques ne livrent plus de médicaments à la Grèce (y compris dans des situations d’urgence telles que des cancers) par peur de ne pas être payées mais sans doute aussi par rétorsion, puisque le pays a décidé, pour des raisons évidentes, de privilégier les génériques qui sont bien moins chers (1). C’est d’ailleurs ce que nous devrions tous faire.

Et pendant ce temps-là…

Et pendant ce temps là, les banquiers se remplissent un peu plus les poches avec les emprunts grecs. Les fonds spéculatifs (hedge funds) avaient acheté à vil prix (12 à 13 centimes par euro de valeur faciale) la dette grecque durant l’été 2012, en tablant sur le fait que la Grèce pourrait quitter la zone euro et faire défaut sur sa dette publique.

Par la suite, la Grèce s’est vue obligée de racheter une partie de sa propre dette, mais à un prix inférieur à la valeur faciale des obligations. Un haut responsable de la Deutsche Bank avait suggéré à l’Union Européenne de prendre une position dure et d’utiliser un mécanisme parfaitement légal qui aurait permis à la Grèce de racheter ses obligations à 28-30 centimes par euro de valeur faciale, ce qui aurait parfaitement fait l’affaire des fonds spéculatifs qui avaient acheté cette dette à 12 ou 13 centimes. Une idée que l’Europe a rejetée suite aux pressions du puissant lobby des fonds spéculatifs, ceux-là même qui avaient acheté les obligations grecques en été. En décembre, la Grèce a racheté à ces fonds quelques 21 milliards d’obligations, mais à un prix de plus de 33 centimes, leur permettant d’engranger des bénéfices bien supérieurs à ce qu’ils espéraient, et ce sont une fois de plus les citoyens européens qui auront payé la différence de quelque € 2 milliards (2).

Et pour couronner le tout, l’ancien ministre des finances socialiste Georges Papaconstantinou semble avoir falsifié une liste (qui lui avait été remise par Mme Lagarde, alors qu’elle était encore ministre en France) de plus de 2 000 détenteurs de comptes grecs en Suisse, en ôtant les noms de quatre de ses proches cousins et leurs conjoints.

Et qui de toute cette bande, industriels, banquiers, ministres a été arrêté ? Le journaliste grec Kostas Vaxevanis, parce qu’il avait publié en octobre 2012 la liste « Lagarde » (3).

Tous des salauds ces journalistes !

(2) Voir Landon Thomas, Buying back Greek debt rewarded hedge funds, The New York Times, December 23, 2012. http://www.nytimes.com/2012/12/24/business/global/greek-bond-buyback-may-have-been-cheaper-under-collective-action-clause.html?pagewanted=all
(3) Alain Salles, Un journaliste grec victime de la liste Lagarde, Le Monde, 29 novembre 2012.

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