samedi 28 janvier 2012

La misère serait moins pénible à la campagne

7 commentaires:

Pierre Pestieau

Dans un livre récent, Edward Glaeser (1), un économiste de Harvard, célèbre la ville comme peu l’ont fait jusqu'à présent. La ville rend libre et heureux, répète t-il à plusieurs reprises. Le bonheur d’une nation augmente avec la proportion de la population urbanisée. Pour des raisons diverses, nombreux sont ceux qui pensent qu’à la campagne la vie est plus facile qu’à la ville : le coût de la vie et du logement en particulier, l’accès aux produits de la terre, et la solidarité rurale rendraient la campagne tellement plus attrayante. On notera que ce sont surtout les habitants des villes qui pensent de cette façon. Ajoutons l’idée que l’on est plus libre à la campagne comme nous le dit si bien le rat des champs dans cette fable de La Fontaine qui affiche sa position : la vie rustique est préférable à la vie citadine. D’où le titre de ce blog qui paraphrase un couplet d’une chanson d’Aznavour (2):

« Emmenez-moi au bout de la terre

Emmenez-moi au pays des merveilles

Il me semble que la misère

Serait moins pénible au soleil. »

Glaeser soutient que la pauvreté urbaine doit être évaluée relativement à la pauvreté rurale et non pas en fonction de la richesse et de l’opulence urbaines. Mieux, il écrit que la pauvreté est un signe de succès des villes. Les villes procurent aux pauvres ce qu’ils ne trouvent pas ailleurs : un accès aux marchés. Ils peuvent trouver des emplois, des services, des biens. La grande ville est, pour les pauvres, d’abord un vivier d’employeurs potentiels. Glaeser s’intéresse ensuite à ce qu’il baptise « le paradoxe de la pauvreté urbaine ». Celui-ci est lié à l’effet d’attraction de la ville sur les pauvres et tient dans un phénomène difficilement discutable : plus une ville investit pour lutter, directement (services sociaux) ou indirectement (politiques favorables à la croissance), contre la pauvreté, plus elle attirera des pauvres. Plus on améliorera localement la vie des pauvres plus on attirera de nouveaux pauvres. Glaeser va plus loin encore : une ville qui n’attire pas les pauvres est une ville dont la situation est, en réalité, préoccupante (3).

Ce n’est pas le seul attrait de la ville. Dans une interview récente il montre à quel point la ville est bien plus favorable à l’environnement que la campagne (4) :

« Quand vous comptez les émissions de carbone associées aux zones de fortes densités de population, elles sont bien moins élevées que celles qui viennent des zones non urbaines américaines, parce que les gens conduisent moins et qu'ils vivent dans des appartements plus petits. Un des problèmes, c'est que si vous ne construisez pas à la verticale, vous construisez à l'horizontale, en vous étendant. Et ça n'aide personne, d'avoir des trajets de plus en plus longs et de gâcher l'énergie par des longs trajets en voiture. Si vous aimez la nature, ce n'est pas une mauvaise idée de vous en éloigner. Vivre en densité haute est logique d'un point de vue environnemental. »

Il n’y a pas à douter. En lisant Glaeser, le bonheur n’est plus dans le pré.

(1) Edward Glaeser, Triumph of the City. How our Greatest Invention Make Us Richer, Smarter, Greener, Healthier, and Happier, New York : Penguin Press, 2011.

(2) On notera pour répondre à Aznavour que le bien-être matériel augmente d’autant plus que l’on s’éloigne de l’équateur, et donc du soleil.

(3) Glaeser étudie autant les villes des pays pauvres comme Lagos ou Nairobi que celles des pays riches.

(4) http://www.theatlantic.com/national/archive/2011/02/city-limits-a-conversation-with-edward-glaeser/70351/

vendredi 27 janvier 2012

A propos de jobs et de Jobs

2 commentaires:

Victor Ginsburgh

L’Echo du 27 janvier dernier publie deux articles assez durs sur la gouvernance en région wallonne. On a beaucoup parlé de l’un deux, qui porte sur le rapport commandité par la région elle-même suite à la décision d’Arcelor-Mittal de fermer définitivement la phase sidérurgique à chaud dans la région liégeoise. J’y reviendrai plus bas.

Mais on a moins parlé du second article, tout aussi critique, et qui mine bien plus l’avenir de la région que l’absence de la sidérurgie. Il porte sur un rapport de l’OCDE, qui critique « l’enchevêtrement institutionnel et la multiplication des acteurs publics qui freinent l’impact des politiques d’innovation [et de recherche] en Wallonie » (1). Les structures de coordination sont redondantes : « 21 cellules de valorisation des établissements d’enseignement supérieur, 22 centres de recherche agréés, 10 agences de développement provinciales, 6 pôles de compétitivité, 25 centres de compétence du service public wallon de l’emploi et de la formation ». Bref un envahissement dont les politiciens wallons et les syndicats ne sont certainement pas absents (2).

Ceci ressemble assez bien à l’article consacré à la sidérurgie et au rapport d’expertise qu’il discute (3). Voici ce que dit notamment le rapport : « Les Liégeois, emmenés par les syndicats, ont adopté ou accepté une démarche quasi exclusivement revendicative, fondée sur la contestation permanente de toute évolution, le recours systématique à la grève, souvent accompagnée d’exactions, et de saccages, la défense d’avantages acquis et la protestation contre toute modification des méthodes de travail ». Les patrons n’en sortent pas tout blanc non plus: ils « ont manqué de vision commune et n’ont pas su motiver une base ouvrière manipulée par des ‘irresponsables incontrôlés’ ».

Bref, d’une part une politique de l’innovation et de la recherche envahie par les interventions politiques, de l’autre, une politique industrielle et un marché du travail régis par des interventions politiques et syndicales, et une incapacité du patronat à réagir. Sans porter de jugement sur cette première situation, et sans transition comme on dit, il est intéressant de la comparer à celle qui suit.

Le New York Times du 21 janvier (4) rapporte qu’Apple emploie 43.000 personnes aux Etats-Unis et 700.000 indirectement (au travers de contractants) à l’étranger, essentiellement en Chine. En 2007, Apple a revu, en dernière minute, la structure de l’écran pour son iPhone. Les nouveaux écrans sont arrivés à l’usine de montage chinoise à minuit. Un contremaître a immédiatement réveillé 8.000 ouvriers dans les dortoirs de l’usine. Chacun d’eux s’est vu offrir un biscuit et une tasse de thé, et a ensuite pris place à son poste de travail pour sertir les écrans dans les téléphones pendant 12 heures d’affilée. Après 96 heures, l’usine a pu produire 10.000 iPhones par jour. « La vitesse et la flexibilité sont à couper le souffle. Aucune usine américaine n’est capable de concurrencer cela », aurait dit un exécutif d’Apple. Et Apple n’est pas le seul constructeur d’électronique (ou d’autres produits de consommation) à agir de cette façon.

Les questions suivantes, et sans doute bien d’autres, viennent immanquablement à l’esprit :

- Est-ce que les politiciens, les syndicats et les patrons wallons ont raison de faire preuve d’aussi peu de souplesse ?

- Vaut-il mieux que les ouvriers liégeois soient au chômage ?

- Est-ce que les politiciens, les syndicats et les patrons chinois ont raison de faire preuve d’autant de souplesse ?

- Vaut-il mieux que les ouvriers chinois soient au chômage ?

- Est-ce que Steve Jobs a eu raison de délocaliser la production d’Apple ?

- Est-ce que nous, consommateurs d’électronique et de bien d’autres produits de consommation, avons raison d’acheter ces gadgets qui résultent de la recherche scientifique et du progrès technologique ?

- Faut-il arrêter la recherche scientifique et s’opposer au progrès technologique ?

Voici une réponse possible : Tuer le messager qui apporte la mauvaise nouvelle, comme vient de le faire le Sogepa, bras financier de la Région wallonne, en cassant le contrat avec le consultant qu’elle-même avait engagé (5).

(1) C. De Caevel, Innovation en Wallonie. Les douloureux constats de l’OCDE, L’Echo, 27 janvier 2012.

(2) Le rapport de l’OCDE mentionne aussi, et heureusement, que les évolutions récentes sont positives.

(3) F.-X. Lefèvre et Philippe Lawson, Liège : la fermeture du chaud est irréversible, L’Echo, 27 janvier 2012.

(4) C. Duhigg and K. Bradsher, How the U.S. lost out on iPhone work, The New York Time, 21 January 2012. http://www.nytimes.com/2012/01/22/business/apple-america-and-a-squeezed-middleclass.html?pagewanted=all

(5) RTBF http://www.rtbf.be/info/regions/detail_la-sogepa-casse-le-contrat-avec-laplace-conseil?id=7458783

vendredi 20 janvier 2012

Les experts : De la musique à la finance

1 commentaire:

Victor Ginsburgh

Comment espérer que S&P ou Moody’s distinguent entre AAA et D alors que des violonistes professionnels ne distinguent pas un Stradivarius d’un crincrin ? (*)

Un article de Fritz et al. (1) paru dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Etats-Unis) montre que des musiciens professionnels ne parviennent pas à distinguer un Stradivarius (qui coûte entre 3 et 4 millions d’euros) d’un violon contemporain (quelque milliers d’euros). 21 violonistes âgés de 20 à 65 ans, qui jouent depuis 15 ans au moins (certains depuis 61 ans) ont été amenés à tester six instruments : deux Stradivarius, un Guarnerius del Gesu, qui datent tous trois de la première moitié du 18e siècle, et trois instruments contemporains. Chaque violoniste a joué sur les six instruments, par paires de deux (un ancien et un contemporain) et a répondu à trois questions : quel est l’instrument qu’il préférerait avoir chez lui, quel est le meilleur, et quel est le plus médiocre. Les conditions étaient telles que les violonistes ne pouvaient pas identifier l’instrument utilisé, si ce n’est par ses qualités musicales. Voici ce que le test a donné. L’un des deux Stradivarius a systématiquement été choisi moins souvent que n’importe lequel des trois instruments modernes qui faisaient partie de la paire. Dans les autres essais par paires (celles dans lesquelles ce Stradivarius n’apparaissait pas), le violon ancien a été choisi aussi souvent que le contemporain, mais l’un des trois instruments contemporains a été choisi comme étant le meilleur plus souvent que les autres, qu’ils soient anciens ou modernes. Huit violonistes sur 21 seulement on choisi un instrument ancien comme étant celui qu’ils aimeraient ramener chez eux.

Est-ce un signe de surdité de la part des musiciens, ou est-ce le prix des instruments anciens qui est largement exagéré ? Ces résultats ne sont pas sans rappeler ceux décrits dans un article de Ginsburgh et van Ours (2), qui se sont intéressés aux classements des 12 finalistes (3) de 11 concours Reine Elisabeth de piano organisés entre 1952 et 1991. Ils montrent que ce classement dépend de l’ordre dans lequel les candidats se présentent lors de la finale du concours. Cet ordre étant choisi de façon aléatoire avant le début du concours, un tel résultat est statistiquement peu probable et doit provenir de facteurs d’écoute durant le concours : les candidats qui jouent durant les dernières soirées et ceux qui jouent en deuxième partie de chaque soirée sont en moyenne mieux classés. Puisque l’ordre de passage est aléatoire, le classement final l’est en partie aussi. Il n’en reste pas moins que ceux qui arrivent en tête ont plus de succès par la suite. Le « vrai talent » ne tient pas beaucoup de place.

Ashenfelter et Quandt (4) ont montré qu’il n’y a que très peu d’accord entre les dégustateurs d’un même vin. Hodgson (5) fait encore mieux en montrant que les dégustateurs ne sont pas d’accord avec eux-mêmes lorsqu’ils goûtent le même vin dans des circonstances ou à des moments différents.

Dans les épreuves de patinage artistique qui font partie de l’International Skating Union, les évaluations de chaque juge sont comparées à celles des autres juges, et si l’évaluation d’un juge s’écarte trop de la moyenne, il est entendu par une commission et tenu de s’expliquer. S’il se dérobe à l’entrevue ou s’il ne peut justifier son évaluation, il est pénalisé et risque de n’être plus invité à juger d’autres compétitions, ce qui peut lui paraître déshonorant. Etant donné que les résultats doivent être affichés 30 secondes après l’épreuve, les juges recourent en général à des notes inspirées des performances antérieures des candidats. Les notes finales données par chaque juge finissent par être très proches les unes des autres, et n’ont probablement pas grand chose à voir avec les qualités déployées dans l’épreuve qui est en cours (6).

André Gide, lecteur chez Gallimard avant la première guerre mondiale, a refusé le premier volume d’À la recherche du temps perdu de Proust. Combien des 106 écrivains récompensés par le prix Nobel de littérature depuis 1901, année de Sully Prudhomme, sont encore lus aujourd’hui. En connaît-on ne fût-ce que les noms ? A commencer par Prudhomme lui-même. Qui connaît ou a lu Bjornstjerne Bjornson (1903), Rudolf Eucken (1908), Paul Heyse (1910), Henrik Pontopiddan (1917), Wladyslaw Reymont (1924), Eric Karlfeldt (1930), Halidor Laxness (1955), ou Nelly Sachs (1966). Qui lit encore le Quo Vadis de Sienkiewicz, prix Nobel en 1905. Qui par contre ne connaît pas Léon Tolstoï, Kafka, Proust, Joyce, Zweig, et Borges qui eux n’ont pas été sélectionnés ?

Les données d’un test relatif aux conséquences de certaines lésions du cerveau ont été soumises à des médecins spécialisés ainsi qu’à leurs secrétaires. Les différences de diagnostics posés par les deux groupes de personnes n’étaient statistiquement pas significatives. Par ailleurs, les résultats des examens d’entrée dans les facultés de médecine à l’Université de Toronto sont corrélés aux conditions météorologiques. Les candidats interviewés quand il pleut sont moins bien évalués que ceux qui le sont durant les beaux jours (7). Pour couronner le tout, les procédures statistiques basées sur des notes d’évaluation de caractéristiques explicites et qui sont traitées par ordinateur, fournissent des diagnostics plus précis sur les conditions de santé des individus que des méthodes d’examen clinique, basées, elles, sur des processus mentaux implicites (8).

Les oreilles des musiciens ne sont manifestement pas parfaites. Pas plus que les papilles gustatives des experts en vin, ou les yeux de ceux qui jugent les compétitions sportives, ou les goûts de lecteurs des maisons d’édition et des jurys de littérature du comité Nobel, ni même les diagnostics de ceux qui sont censés nous prodiguer des soins.

Bien que les conséquences des avis des devins financiers s’avèrent souvent (9) bien plus catastrophiques, pourquoi devrions-nous croire que les Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch de ce monde qui ont donné des AAA à des titres financiers véreux, soient de meilleurs juges que les autres (10) ? Jusqu’à ce que toutes les dettes souveraines et autres soient notées D, ce qui devrait entraîner, enfin, la faillite des agences de notation, puisqu’elles n’auront plus rien à faire. On ne peut que s’en réjouir et espérer, mais sans trop de conviction, que la note de la dette française France repassera à AAAAAAAAAA.

(*) Une version un peu différente de ce blog signé par le même auteur, a paru en anglais sur VoxEU, http://www.voxeu.org/. Merci à O.A.

(1) Fritz, C., J. Curtin, J. Poitevineau, P. Morrel-Samuels, and F-C. Tao (2012), Player preferences among new and old violins, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1114999109.

(2) Ginsburgh, V. and J. van Ours (2003), Expert opinion and compensation: evidence from a musical competition, American Economic Review 93, 289-298.

(3) Il n’y en a plus que 6 qui sont classés depuis quelques années.

(4) Ashenfelter, O. and R. Quandt (1999). Analyzing wine tasting statistically, Chance 12, 16–20.

(5) Hodgson, R. (2008), An examination of judge reliability at a major US wine competition, Journal of Wine Economics 3, 105-113.

(6) Voir Lee, J. (2004), Outlier aversion in evaluating performance: Evidence from figure skating, IZA Discussion Paper 1257.

(7) Redelmeier, D and S. Baxter, "Rainy weather and medical school admission interviews", Canadian Medical Association Journal 181, 2009.

(8) Meehl, P. (1954), Clinical versus Statistical Prediction. Northvale, New Jersey and London, Jason Aronson Inc., 1996 (first published in 1954).

(9) Pas toujours. La dégradation de la note française était attendue depuis pas mal de temps. Mais qui de nous peut dire qu’il n’a pas été influencé par son « banquier » à investir dans des actifs sur lesquels, au mieux, il ne perd pas le capital investi.

(10) L’objectivité et les critères utilisés par ces agences sont très relatifs, comme le souligne un article du New York Times, Beyond the raters, Dec. 14, 2011. Les régulateurs américains suggèrent d’utiliser des formules objectives d’évaluation, dont celles proposées par l’OCDE pour le cas des dettes souveraines.

Chez les enfants, Che n’est pas mort

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Pierre Pestieau

On sait que le Che ou en tout cas ses posters font fureur sur les murs des chambres de jeunes filles par ailleurs rangées. On retrouve aussi son portrait sur leurs tee-shirts. Je ne me rendais pas compte qu’il était encore bien plus présent dans l’imaginaire des enfants.

Un des avantages d’être grand père est que l’on peut voir ou revoir des dessins animés plus ou moins récents. Je viens de subir une cure intensive de ces films et suis frappé par le message qu’ils contiennent. Citons dans le désordre Yogi Bear, Zorro, Chicken Run, La Princesse et la Pauvrette, Robinita…Dans Yogi Bear, on voit un politicien véreux qui veut transformer les règles d’aménagement du territoire afin de vendre un parc national à des industriels du bois. Le courage d’un garde forestier assisté de Yogi Bear fera échouer ce plan. Dans Chicken Run, on voit des poules qui sont traitées comme toutes les poules de ce bas monde. Tant qu’elles pondent on les laisse en vie sur la surface d’un mouchoir de poche et dès que leur rendement tombe, c’est la hache et le billot. Elles décident de se révolter et de s’enfuir pour retrouver la liberté au milieu d’une forêt dans laquelle leur espérance de vie sera encore plus faible. Mais au moins elles mourront en liberté. Robinita est une version mexicaine et féministe de Robin des Bois. Avec ses compagnes elle rétablit la justice sociale dans une lutte sans merci contre deux horribles machos, le seigneur du coin et le shérif en charge des basses besognes. L’histoire de Zorro n’est pas très différente de ce qu’elle a toujours été, même quand nous étions plus jeunes. Enfin dans la Princesse et la Pauvrette on voit une princesse se lier de sympathie pour une pauvrette. Elles échangent leur vêtements et du fait d’une étonnante ressemblance physique la princesse déguenillée est jetée hors du château et la pauvrette est forcée bien malgré elle de prendre sa place. Tout se terminera bien.

Quels sont les effets que peuvent avoir sur l’esprit de nos (petits) enfants ces récits pétris de bonnes intentions et de nobles idéaux : respect de l’environnement, souci de justice sociale, égalité des sexes et des peuples ? Le même sans doute que celui des inscriptions morbides que l’on trouve sur les paquets de cigarettes. Ou que celui des sermons dominicaux auxquels assistent les parrains de la mafia et autres truands. Ou que cette drôle d’habitude qu’ont, dans leurs articles, les collègues qui utilisent le genre féminin pour les industriels et les investisseurs et le genre masculin pour celle qui fait la vaisselle…

vendredi 13 janvier 2012

Saint Nicolas et dieu

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Pierre Pestieau

Deux évènements apparemment indépendants m’ont frappé ces derniers temps. Il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy décidait de moderniser la France en supprimant une série de situations coûteuses pour le pays, et qui généraient des rentes de situation pour une minorité et des prix excessifs pour une majorité. Animé par une volonté de réforme et d’ouverture qui fera long feu, il chargea Jacques Attali de présider une commission (1) qui dresserait l’inventaire de ces situations. En tête de liste, il y avait la réforme des taxis parisiens. En tête, par hasard et non pas parce qu’elle était prioritaire.

Dès la publication du rapport Attali, les conducteurs de taxis parisiens se mirent en grève et quelques jours plus tard, le rapport se vit remisé après tant d’autres dans les tiroirs de la République. Sans entrer dans le détail des 316 propositions d’Attali, cette reculade d’un président fraîchement élu, disposant du contrôle du Parlement, du Sénat et de nombreuses autres institutions, marquait les limites de sa volonté de réforme et constituait un tournant déterminant dans son quinquennat.

Le 10 septembre 2011, Guy Spitaels donnait une interview au Soir. Rangé des voitures depuis de nombreuses années, il fut en son temps tout puissant en Wallonie au point qu’on le qualifiait de « dieu » (2). Ce qui m’a frappé, voire choqué dans cette interview n’était pas son pessimisme affiché sur l’avenir de la Belgique mais sa façon de se défausser de ses responsabilités. On sait qu’entre autres problèmes, la Wallonie (Région wallonne et Communauté française) s’est dotée d’une gouvernance qui pourrait être plus efficace. Les exemples d’inefficacité sont nombreux : multiplication des administrations, infrastructures défaillantes, doublons dans les réseaux d’enseignement, formation professionnelle inadéquate, et bien d’autres. Corriger ces problèmes est doublement attractif : aucun d’eux ne réclame de moyens supplémentaires ; au contraire, chaque correction peut en générer. Dans cette interview, Guy Spitaels citait ce qu’il appelait « des structures publiques insensées » en Wallonie et concluait parlant de ses successeurs: « Cools, Di Rupo ont essayé de casser ces structures et ont échoué. Moi aussi comme les autres. »

De deux choses l’une. Guy Spitaels (mais la même remarque s’applique à Nicolas Sarkozy et à tant d’autres apprentis réformistes) a vraiment pris la mesure du coût social de ces dysfonctionnements et a tout fait pour y remédier. Et a échoué. Mais alors c’est à désespérer de la politique. Si un homme politique aussi puissant ne réussit pas à résoudre ces problèmes, à quoi bon l’élire?

Mais il est aussi possible que, même au faîte de sa carrière politique, Guy Spitaels ne trouvait pas que c’était là des priorités sérieuses. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion d’évoquer auprès d’un ministre influent cette liste de dysfonctionnements. Une liste à la Prévert, parsemée de ratons laveurs échappés du zoo : diminution du nombre de ministres, fusion des réseaux d’enseignement, suppression des provinces, arrêt des subventions au Circuit de Francorchamps, et un raton laveur. Et pour chacun d’eux, son commentaire était : « Ce n’est pas important, le jeu n’en vaut pas la chandelle, beaucoup d’efforts pour de petits gains… ». Il oubliait sans doute que les petits ruisseaux font les grandes rivières et les petits gaspillages font les gros déficits. Et même si une gestion plus rigoureuse de notre région et de notre communauté ne suffirait pas à combler les déficits, elle donnerait un signal fort aux citoyens.

(1) La Commission pour la libération de la croissance française, ou, du nom de son président Jacques Attali la « Commission Attali », fut chargée par le président de la République française de rédiger un rapport fournissant des recommandations et des propositions afin de relancer la croissance économique de la France. Elle a commencé ses travaux en juin 2007 et a rendu son rapport final le 23 janvier 2008. Il comprenait 316 propositions.

(2) Comme Mitterand d’ailleurs.

De Cicéron à Keynes

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Victor Ginsburgh

« Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée. La population doit apprendre à travailler au lieu de vivre de l'aide publique. »

Ce texte circule depuis quelques semaines sur la toile. Il est attribué à Cicéron (106-43 av. J.C.), orateur et homme politique romain, dont certains d’entre vous (et moi aussi d’ailleurs) ont sûrement et péniblement essayé de traduire le Pro Milone.

J’ai été paresseux, je vis de l’aide publique—ma pension—et n’ai pas essayé de trouver l’original en latin, mais même si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé (1). Ce que j’ai par contre trouvé, c’est un autre texte du même Cicéron, qui répond bien au premier et le complète très utilement:

« Les responsabilités des mauvais dirigeants à l’égard de la République sont désastreuses. Non seulement ils se chargent eux-mêmes de leurs vices, mais ils en imprègnent la cité. »

Le premier texte ressemble en effet à celui qui nous est asséné sans arrêt par les mauvais dirigeants. Il décrit leurs désastreuses décisions auxquelles il est fait allusion dans le deuxième texte, et qui sont à l’opposé de ce que disait Keynes en 1937, à la suite de la crise des années 1930 : « C’est lors d’un boom que les dépenses publiques doivent être réduites, pas en période de dépression. »

Il faut bien reconnaître que contrairement à Keynes, Cicéron n’était pas économiste, que nos politiciens ne connaissent de toute manière ni l’un ni l’autre et n’ont guère peur de nous précipiter dans une récession plus profonde que celle que nous connaissons aujourd’hui.

On peut reprocher beaucoup aux économistes, mais on ne pourra pas dire qu’aucun ne s’est élevé pour dénoncer le danger qu’il y avait à réduire les dépenses publiques en ce moment-ci. Deux noms, ceux de Paul Krugman et Joseph Stiglitz, tous deux prix Nobel d’économie viennent en tête. Mais ce sont les hommes politiques qui « pensent ». Le dernier éditorial de Krugman dans le New York Times (2) réfute clairement deux des arguments de Cicéron relatifs aux finances publiques.

Les « experts » américains n’ont pas arrêté de répéter que l’augmentation de la dette publique allait, à très court terme, entraîner une augmentation dramatique des taux d’intérêt. Il n’en a rien été : au contraire, ces taux ont récemment atteint un minimum historique. Quant aux effets à long terme de la dette, ils ne peuvent être, comme on le fait trop souvent, comparés à ceux d’une dette privée. Une dette privée doit être remboursée. Une dette publique peut être constamment refinancée, mais il faut s’assurer qu’elle croisse moins vite que les rentrées fiscales. La dette contractée par les Etats-Unis lors de la deuxième guerre mondiale n’est, assure Krugman, toujours pas remboursée, mais la croissance économique qui a suivi a permis de réduire son poids parce que l’augmentation des revenus a aussi permis les rentrées fiscales nécessaires. Et même si la dette constitue un problème important, il y a des problèmes plus urgents à l’heure actuelle : Krugman rappelle qu’au moment où Keynes écrivait qu’il fallait éviter de réduire les dépenses publiques, le Royaume-Uni était plus endetté que n’importe quel pays industrialisé aujourd’hui (exception faite du Japon). Cicéron, pour autant que ce soit lui, avait tort : le budget ne doit pas toujours être en équilibre et la dette publique peut augmenter en période de crise. Il pourrait par contre avoir raison sur le comportement arrogant des administrations.

Et l’Europe dans tout ça ? Le déficit public de la zone euro (6,2% du PIB) est bien plus faible que celui des Etats-Unis (8,9%) et du Royaume-Uni (10,1%). Sa dette publique s’élève à quelque 86% du PIB, comme celle des Etats-Unis, et la dette des entreprises y est moins élevée (3). Les taux d’intérêt sont revenus à ce qu’ils étaient il y a quelques mois, suite aux prêts à long terme que la Banque Centrale Européenne vient d’accorder aux banques (4). Les pays européens auraient dès lors pu se permettre, bien plus qu’ils ne l’ont fait, des politiques de dépenses publiques. Mais il y eut la malheureuse décision de l’euro « une monnaie sans Etat » (5), introduite pour des raisons presque purement politiques.

Et pourtant là aussi, des économistes tels que Bela Balassa, James Meade, Robert Mundell et bien d’autres avaient prévenu dès le début des années 1960 qu’une union monétaire devait, si elle voulait réussir, répondre à certains critères qui ont été tout simplement ignorés par nos politiciens des années 1990 persuadés qu’une monnaie commune allait « faire le reste » (6). Parmi ces critères figurent essentiellement deux idées. Une union monétaire peut survivre pour autant que les économies des pays intégrés soient suffisamment « similaires » (c’est-à-dire soumis aux mêmes chocs conjoncturels, de façon à répondre à ceux-ci de façon simultanée). Si ce n’est pas le cas, il faut un gouvernement unique doté de pouvoirs étendus, dont une politique budgétaire intégrée qui permet des interventions dans certains pays si cela s’avérait nécessaire (7). Or, les pays de la périphérie (Grèce, Portugal, Espagne, Irlande, etc.) n’étaient évidemment pas « similaires » à ceux du centre (France, Allemagne, Benelux, Autriche) et le pouvoir sur la politique budgétaire donné par le Pacte de Stabilité au gouvernement européen (dont l’existence est encore à prouver !) est largement insuffisant. Et ce serait rêver que dans les conditions de gouvernance actuelle, l’UE puisse le renforcer dans un délai raisonnable. Mettre d’accord tout ce petit monde semble hors de portée.

Voilà où nous ont mené et où continuent de nous entraîner nos grands hommes et femmes politiques. Et ce ne sont malheureusement ni les républicains américains, ni la Commission Européenne, ni Saint-Nicolas S. ou l’angélique Mme M. qui nous sortiront de l’ornière. Cicéron avait raison : les mauvais dirigeants ont imprégné la cité.

(1) Merci à N.C. de me l’avoir envoyé, me disant que j’en ferais certainement quelque chose.

(2) Paul Krugman, Nobody understands debt, New York Times, Jan. 1, 2012 http://www.nytimes.com/2012/01/02/opinion/krugman-nobody-understands-debt.html

(3) EIU Special Report, State of the Union : Can the euro zone survive its debt crisis, March 2011.

(4) Les banques européennes semblent cependant de plus en plus rétives à utiliser ces fonds pour acheter de la dette souveraine des pays européens, qui sont sans cesse forcés de lancer de nouveaux emprunts pour repayer ceux qui viennent à échéance. Voir New York Times, Jan. 12, 2012, http://dealbook.nytimes.com/2012/01/11/for-europe-few-options-in-a-vicious-cycle-of-debt/

(5) Ces mots semblent dus à Tommaso Padoa Schioppa, qui est néanmoins un des pères de l’euro.

(6) Voir à ce sujet l'article d’André Sapir, European integration at the crossroads: A review essay on the 50th anniversary of Bela Balassa’s ‘Theory of Economic Integration’, Journal of Economic Literature 49 (2011), 1200-1229. Au passage, merci à A.S. qui a bien voulu relire et améliorer une première version de ce blog.

(7) Ainsi, aux Etats-Unis, la faillite financière de la Californie, qui pèse bien plus lourd dans l’économie américaine que la Grèce ou le Portugal dans la zone euro, n’a pas eu d’effet sur le dollar, parce que l’Etat central (Washington) peut intervenir.

vendredi 6 janvier 2012

Du Metropolitan Museum, New York à Lehman Brothers, New York

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Du Metropolitan Museum, New York à Lehman Brothers, New York

Victor Ginsburgh

« Je me voyais proposer et exécuter des « deals », siéger à des conseils, lécher des culs, et mentir. En guise de compensation, je portais des costumes Savile Row et une serviette Hermès. Je disposais du téléphone de Madame Claude à Paris et fréquentais les meilleurs clubs dans une demi-douzaine de villes. Mais j'ai été victime d’un problème : mon incapacité de développer cette opacité morale, seule clé du vrai succès à Wall Street. »

Ces réflexions, comme celles qui suivent, sont celles qu’exprime un ancien conservateur de peintures au Metropolitan Museum, devenu, en 1961, « investment banker » chez Lehman Brothers (1).

« Je m’amusais bien mais il y avait un aspect que je trouvais moralement déroutant voire même désagréable: Le New York Stock Exchange avait envoyé son président, G. Keith Funston en campagne pour exhorter le prolétariat à posséder sa part de l'Amérique! Comme si l'achat de 50 actions IBM ou GM en 1961 était un devoir civique semblable à celui qui avait consisté à souscrire à l’emprunt de guerre en 1943. Pourtant, c’était l’époque où Wall Street était fondamentalement honnête. En 1970, les traders ont commencé leur longue marche dans les grandes maisons de la finance, avec l'inévitable conséquence du peu de clarté des comptes, et d’une élaboration grandissante des manières de corrompre. La guerre de la cupidité avait commencé.

« 2011 s’achève, mais aucun des problèmes majeurs qui ont conduit à la crise de 2008 n’a été résolu. Les bilans des banques puent. L'Europe financière s’engouffre dans un trou noir. Wall Street et ses ministres ont recommencé à mentir : c’est, disent-ils, le gouvernement qui porte la responsabilité de ce qui est arrivé.

« En fait, ce grand mensonge a une longue histoire. Il date de l'été 1932, et d’une réflexion de F. D. Roosevelt à Leffingwell, un partner de Morgan : ‘Je souhaiterais que les banquiers admettent les abus graves qu’ils ont commis entre 1927 et 1929’. A quoi Leffingwell réplique : ‘Ce ne sont pas les banquiers qui sont responsables de la crise, mais les politiciens. Pourquoi les banquiers devraient-ils faire une fausse confession?’

« Il faut faire payer ces salauds (bastards) pour la désolation et le malheur qu'ils ont provoqués. Le journaliste et satiriste H.L. Mencken (1880-1956) avait proposé que la première chose à faire lorsqu’une banque fait faillite, c’est de pendre son conseil d’administration. Je n’irai pas aussi loin, mais il faut qu’ils paient.

« J'ai maintenant 75 ans. Si quelqu’un me demande ce qui a été la grande histoire de ma vie, je répondrais: C'est l’histoire de la corruption qui s’est répandue comme un brouillard excrémentiel sur le paysage de nos espoirs. Si vous m’aviez parlé de pareille pourriture il y a soixante ans, je vous aurais dit que vous étiez fou. Et j'aurais eu tort. Ce qui est arrivé dans ce pays a fait un mensonge de mon enfance.

« L’Amérique devrait être plus que cela, et il est temps je pense, que nous reprenions possession de notre pays. »

Nous devrions peut-être aussi y penser…

(1) Michael M. Thomas, The big lie: Wall Street destroyed the wonder that was America http://www.thedailybeast.com/newsweek/2011/12/25/wall-street-has-destroyed-the-wonder-that-was-america.html

La presse

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Pierre Pestieau

Il y a quelques semaines j’ai commis avec deux collègues liégeois une étude sur la mesure et la comparaison des performances des Etats providence de l’Europe des 27. La motivation première de cette étude était de voir où se situent les pays de la vieille Europe qui trop souvent justifient leurs rigidités institutionnelles en prenant pour prétexte la qualité de leurs politiques d’inclusion sociale. Le résultat de notre étude n’est guère surprenant et peut se résumer en trois points: (i) les pays Nordiques, les Pays Bas et l’Autriche occupent les premières places. La vieille Europe est dans la moyenne et les pays méditerranéens sont classés en queue de peloton ; (ii) si l’on considère les 12 pays qui ont fait passer l’Union européenne de 15 à 27, on trouve la Tchéquie et la Slovénie en tête, la Bulgarie et la Roumanie en queue ; (iii) et comme dernier résultat, on n’observe pas de dumping social pour la période 1995 à 2010; au contraire il y a convergence.

La dernière page de cette étude qui fut présentée au récent congrès des économistes belges de langue française et publiée dans Regards Économiques (1) portait sur un exercice périlleux : utiliser la même méthodologie pour évaluer la performance de la protection sociale dans les deux principales régions belges, la Flandre et la Wallonie. J’avais déjà décrit le résultat de cet exercice dans un blog précédent (2) : la Flandre se retrouve dans les premiers de la classe européenne et la Wallonie entre la Grèce et le Portugal. Rien d’étonnant quand on connaît les différences entre les deux régions dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi.

Ce qui nous intéresse ici est la manière dont la presse a réagi, à notre plus grand embarras d’ailleurs. La Libre Belgique a couvert notre étude dès sa parution. Une semaine s’est passée avant que De Tijd n’y fasse allusion. Un jour plus tard, ce fut la ruée médiatique : les auteurs furent assaillis de demandes d’interviews de la presse écrite et télévisée flamande. Et ce n’est que par la suite que la presse francophone s’y est intéressée. Inutile de d’expliquer pourquoi l’intérêt était si grand chez nos compatriotes flamands. C’était de bonne guerre.

Ce qui est frappant dans cet épisode n’est pas que la presse se soit intéresse à un détail somme toute marginal de notre étude. Après tout, un historien qui publierait un ouvrage sérieux et volumineux sur la cinquième république ne devrait pas être surpris si toute la presse parlait uniquement d’une note de bas de page qui révèlerait que Sarkozy est le fils naturel de François Mitterrand. Ce qui est étonnant c’est qu’il a fallu que la presse flamande parle de notre étude pour que la presse francophone à laquelle elle était en fait destinée s’y intéresse.

(1) Mathieu Lefebvre, Sergio Perelman et Pierre Pestieau, La performance de l'État providence européen. Quel enseignement pour la Belgique ? Regards Economiques 93, Décembre 2011. http://sites.uclouvain.be/econ/Regards/Archives/RE093.pdf

(2) Y a de la joie ! Blog du 3 juillet 2011.