jeudi 13 décembre 2012

Condamnation pour mauvaises prévisions d’éclipse de soleil, de tremblement de terre et de montée des océans


Victor Ginsburgh

Les Chinois avaient observé depuis longtemps l’existence d’éclipses solaires, mais pensaient qu’elles étaient dues à un dragon invisible qui dévorait le soleil. Lorsque l’éclipse était prévue, les autorités impériales s’y préparaient en réunissant des batteurs de tambours et des archers. Les premiers faisaient grand bruit, les autres décochaient des flèches vers le ciel, ce qui était censé effrayer le dragon. Et le miracle arrivait, puisque quelques minutes plus tard, le soleil revenait.

Hélas, en l’an 2134 (ou 2136) avant J.C., les astronomes chinois Hsi et Ho n’ont pas prévu l’éclipse solaire qui allait se produire et l’empereur mécontent de cette faute les a fait décapiter, en dépit du fait que le soleil se soit remis à briller.

Evidemment, la chose n’est pas pareille lors d’un tremblement de terre, puisque les dégâts qu’il produit ne se réparent pas tout seuls. Il est donc logique, comme l’ont fait les juges italiens après le tremblement de terre de L’Aquila de ne pas guillotiner les géophysiciens, mais de les condamner « simplement » à des peines de six ans de prison pour n’avoir pas donné des informations plus précises sur un événement qui est par essence imprévisible (1). Ceux qui ont construit des bâtiments non conformes dans une zone réputée pour ses tremblements de terre n’ont, dieu merci, pas été inquiétés.

Reste à punir les experts du GIEC, qui avaient mal prévu la montée du niveau des océans. Ils parlaient il y a peu de 2mm par an, et viennent de découvrir que c’est 3,2mm (2). Il faut les pendre illico, avant qu’on ne s’aperçoive que c’est 5mm par an.

Voilà ce qu’est le bras de la justice.

Mais alors que les astronomes chinois se sont sans doute trompés, et que les géophysiciens italiens et les experts du GIEC ont été trop prudents, George W. Bush, président et Dick Cheney, vice-président ont menti sans vergogne sur les fantomatiques armes de destruction massive, ont provoqué la mort d’au moins 100.000 Irakiens—sans doute bien plus—et de quelque 4.500 soldats américains, auxquels s’ajoutent les blessés, les éclopés, les malades mentaux et les centaines de soldats qui ont fini par se suicider. Mais Bush et Cheney sont libres, retirés tous deux dans leur ranchs du Texas, en train de rédiger leurs glorieux exploits.

Comme ont menti la plupart des directeurs de banque qui n’ont peut-être pas tué mais ont provoqué la misère qui dure depuis cinq ans.

Le seul qui ait dit la vérité, le seul honnête homme de toute cette bande de requins, c’est notre ami Maurice Lippens ancien Président du Conseil d’Administration de Fortis, retiré dans son ranch de Knokke-le-Zoute. Lors de son audition par les enquêteurs de la police fédérale, il a déclaré, il y a quelques semaines de cela : « Je n’ai jamais été banquier et ma compréhension de ces matières est relativement superficielle » (3). Ce n’est donc pas lui qui a pu mentir à tous ceux qui ont acheté des actions Fortis, et qui se sont retrouvés le cul nu. On aimerait quand même savoir combien il a été payé durant les 27 années (1981-2008) passées au Conseil d’Administration de cette société dont il n’a qu’une connaissance superficielle.

En attendant mieux, Jean-Paul Votron, Herman Vewilst, Gilbert Mittler, Filip Dierckx, tous anciens responsables à des titres divers dans lesquels je me perds, et, ne l’oublions pas, Maurice Lippens, ex-président du conseil d’administration de Fortis,  actuel joueur de golf au Zoute qui n’y connaît rien en affaires bancaires, ont tous, enfin, été inculpés par le juge d’instruction (4).

Et pendant ce temps-là, Dehaene, ex-président de Dexia, imitant en cela l’inénarrable Sarko, s’exerce paraît-il à la course à pied dans sa belle ville de Vilvorde. On peut espérer qu’il ne perd rien pour attendre, parce que rien ne sert de courir, il aurait fallu partir à temps.

Comme la justice d’ailleurs.


 (1) Le tribunal italien a accusé les « coupables » d’avoir donné des informations « peu précises, incomplètes et contradictoires » une semaine avant le tremblement de terre. Voir http://edition.cnn.com/2012/10/23/world/europe/italy-quake-scientists-guilty/index.html
(2) RTBF, 28 novembre 2012.
(3) L’Echo, 17 novembre 2012.
(4) Agence Belga, 5 décembre 2012.

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