jeudi 8 novembre 2012

Une des dernières trouvailles de Netanyahou (suite)


Victor Ginsburgh

Suite à mon article de la semaine dernière au sujet des trouvailles de Netanyahou et des ‘réfugiés’ juifs en provenance des pays musulmans, j’ai reçu trois réactions. La première m’a été envoyée par un ami marocain, la deuxième par un ami juif, qui a quitté l’Egypte en 1948, et la troisième par un autre ami juif, qui n’a rien de commun avec le Moyen-Orient, mais qui a visité le Yémen en 1990. Tous trois vivent en Belgique à l’heure actuelle.

Je crois que ces réactions sont significatives et je me permets de les répercuter presque dans leur intégralité ci-dessous.

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« Relativement aux juifs marocains, je puis affirmer, pour en avoir été témoin, que les milliers de juifs qui étaient davantage dans les villages berbères du sud qu’au nord ou dans les villes, ont été  ‘poussés’  à partir non par les musulmans arabes ou berbères mais par des organisations externes au Maroc, sans doute israéliennes.

Les juifs qui avaient quitté leur pays, le Maroc, pour aller soit en Israël, soit au Canada, pleuraient alors toutes les larmes de leurs corps. Certains d’ailleurs n’ont jamais quitté le Maroc et sont restés dans le sud du Maroc (notamment à Rich) ou à Casablanca.

Gourrama (mon village au sud du Maroc) était peuplé par 50% de juifs au moins. Il y avait tous les commerces, une école, une synagogue, un cimetière et je me souviens d’excellentes relations de voisinage empreintes de grande confiance entre musulmans berbères et juifs berbères, qui vivaient dans les ruelles du centre et non dans un quartier isolé (une mellah) comme cela existe dans les villes.

Chaque année, des Israéliens font un pèlerinage à un ksar qui s’appelle Toulal et qui fait partie de Gourrama, pour une hiloula (1) au tombeau du grand rabbin Rabbi Ishaq Abehsera (qui, en berbère, signifie fabriquant de nattes de palmiers).

Suite à leur départ, et ce pendant plusieurs années, des amis de mon père envoyaient leurs enfants puis leurs petits enfants pour visiter notre maison et les leurs, et prendre des nouvelles de mon père. Lorsque mon père est décédé, ceux qui l’avaient connu et qui étaient encore en vie nous ont téléphoné d’Israël pour nous présenter leurs condoléances. »

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« Quant à la dernière trouvaille de B. Netanyahou elle est d’une stupidité rare mais qu’attendre de nos dirigeants politiques, actuellement ? C’est vrai que nous avons quitté l’Égypte un peu forcés en août ou en septembre 1948 mais il est tout aussi vrai que quand Neguib puis Nasser étaient au pouvoir, ils envoyaient à mes parents, en France, des cartes de vœux pour Rosh Hashannah (Nouvel An juif). Je ne sais pas si Sadate a continué... »

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« Il y a une vingtaine d'années, au cours d'un trekking avec six amis au Yémen (beaucoup moins dangereux qu'à présent), nous avons fait une halte à S'aada, localité proche de l'Arabie Saoudite.

Ayant lu que le lieu avait été réputé durant des siècles pour le savoir-faire de ses orfèvres juifs, je suis allé visiter le quartier des artisans spécialisés dans la décoration des armes (carabines et grands couteaux). Y restait-il encore quelques juifs ? Avec l'aide d'un guide local, nous avons fini par dénicher un petit atelier où s'activaient un orfèvre et son fils adolescent. Etonnés de voir des étrangers, ils sont devenus inquiets lorsque j'ai dit avec un grand sourire ‘Shalom’ (l'un des 10 mots hébreux que mon amie et moi connaissions). Il y a eu un moment de silence avant que l'homme réagisse d'un air catastrophé: ‘Please, go away, please...’ Il s'est levé pour indiquer la sortie.  Vous en tirez les conclusions que vous voulez. Je me borne à constater que vers 1990, il valait mieux ne pas être juif au Yémen. Et avant la création d'Israël ? Sans doute s'accommodaient-ils du statut de dhimmi (2). »





(1) La hiloula est le nom de la coutume juive qui consiste à se rendre sur les tombeaux des Justes (tsaddikim) le jour anniversaire de leur mort (Wikipedia).

(2) Selon l’article de Wikipedia sur la question (http://fr.wikipedia.org/wiki/Dhimmi), « un dhimmi est, selon le droit musulman, un non-musulman ayant conclu, avec les musulmans, un traité de reddition (dhimma1) déterminant ses droits et devoirs. Le terme dhimmi s'applique essentiellement aux « gens du livre » (Ahl al-kitâb), qui, dans le champ de la gouvernance islamique, moyennant l'acquittement d'un impôt de capitation, d'un impôt foncier, d'une certaine incapacité juridique et du respect de certaines règles édictées dans un « pacte » conclu avec les autorités, se voient accorder une liberté de culte restreinte, une dispense de certaines obligations que les musulmans sont tenus de faire ainsi que la garantie de sécurité pour leur personne et pour leurs biens. En échange, certaines contraintes sont imposées, comme l'interdiction de construire de nouveaux lieux de culte ou l'interdiction du prosélytisme. L'ensemble de ces règles théoriques sera mis en œuvre de façon plus ou moins stricte ou brutale selon les périodes et les lieux. 
Malgré l'élaboration de ce pacte avec les dhimmis, la situation des non-musulmans dans le monde islamique au moyen-âge et la période ottomane était meilleure que celle des non-chrétiens et hérétiques dans l'Europe médiévale. » L’article correspondant en anglais (http://en.wikipedia.org/wiki/Dhimmi) est bien meilleur.

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