jeudi 11 octobre 2012

Hypocondrie planétaire


Pierre Pestieau

Notre planète me fait souvent penser à ce personnage qui confierait à chacun de ses amis le terrible mal dont il souffre. Chaque ami serait le confident d’un mal spécifique. Pour le premier, ce serait un cancer du colon, pour le deuxième, une insuffisance rénale; pour le troisième, un emphysème pulmonaire aigu, pour le quatrième, un delirium tremens, etc.… Si d'aventure ces différentes personnes venaient à se rencontrer et à discuter de leur ami commun, elles concluraient à la perspective de se retrouver prochainement à ses funérailles, ou plus vraisemblablement d’avoir affaire à un hypocondriaque, dont on sait cependant qu’il méritera un jour l’épitaphe « Vous voyez bien que j'avais raison de m'inquiéter! ».

En l’espace d’une semaine, j’ai rencontré une série de gens qui ont focalisé mon attention sur un des maux mortels dont souffre notre société. Chaque fois, il s’agissait d’un mal différent. Mais le diagnostic était toujours le même : fatal. Le premier donnait une conférence qu’il avait intitulée : Une génération d’abuseurs d’enfants. C’était à Dresde, une ville pourtant davantage connue pour ses musées et les bombardements dont elle a été l’objet que pour sa pédophilie. En réalité, le thème de sa conférence était la dette gigantesque, ingérable, explicite mais surtout implicite, que les économies occidentales laissent à leurs enfants. Le lendemain, un autre ami m’explique que nos sociétés se meurent de leurs maladies mentales qui ont noms dépression, anxiété, insomnie, démence. Près de 30% de la population en souffriraient et pire, ces maladies sont traitées par des médicaments prescrits à des patients de plus en plus jeunes. Puis ce fut le tour des inégalités croissantes et du délitement de l’Etat providence, de la surpopulation, de la gestion des ressources naturelles, de l’intolérance religieuse.

N’allez pas croire que je me moque de ces Cassandre tous hyperspécialisés. Je crois qu’ils ont tous raison. Sans doute certains de ces maux sont plus alarmants que d’autres mais tous sont sérieux. La question du « que faire » se pose à deux niveaux, individuel et collectif. Au niveau individuel, on peut certainement faire des efforts mais déjà là, ce n’est pas facile. Je connais par exemple peu de gens qui réussissent à aborder le problème de la protection de l’environnement avec cohérence. Le plus souvent, vous avez des enragés du recyclage et des adeptes de l’énergie solaire, qui circulent en 4x4. Il y a aussi ceux qui ne prennent que les transport en commun ou leur bicyclette pour se déplacer mais qui utilisent leur sèche-linge même s’il fait plein soleil et climatisent leur appartement pour le transformer en chambre froide. Ceci dit, même si nous étions tous vertueux au niveau individuel, il n’est pas sûr que collectivement nous prendrions les bonnes décisions. Il est tellement humain de faire payer la facture aux pays voisins ou aux générations futures. 

Tout ceci pour dire que tous ces problèmes et bien d’autres sont sérieux, graves, urgents… mais qu’il faut bien vivre et choisir ceux qui nous empêcheront de dormir, mais pas trop. Pour ma part, je me spécialise dans la pauvreté et les inégalités sociales. Mais je respecte les autres raisons de désespérer de notre planète.

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