Pierre Pestieau
Ces quelques derniers mois, nous avons assisté de plus ou moins loin à
trois événements sportifs qui furent d’incontestables succès populaires (à en
croire les organisateurs et les médias qui les ont couverts) mais dont le coût
reste opaque. Le 30 juin, Liège a accueilli le départ du 99e Tour de France. Début août, nous avons eu
les Jeux Olympiques de Londres et récemment, ce fut au tour de la Formule 1
d’attirer l’attention de foules enthousiastes autour du « plus beau
circuit du monde », celui de Spa Francorchamps. On pourrait en rester là
et ne pas s’intéresser à ce que ces trois évènements coûtent à la collectivité.
Après tout quand on aime, on ne compte pas et quand on voit le comportement des
spectateurs et surtout l’engouement des téléspectateurs, il est clair qu’ils
aiment énormément. Pour chacun de ces événements on utilise le terme
‘planétaire’ et je ne peux m’empêcher de repenser à ces dessins de Hergé où un
Congolais, un Chinois ou un indien d’Amazonie écoute à la radio (à cette époque
on parlait de TSF) un reportage sur les exploits de Tintin ou de Jo et Zette.
Il suffit de remplacer la radio par la télé et les héros de BD par Lans
Armstrong ou Michaël Schumacher.
Chacun de ces événements entraîne des engagements financiers importants en
provenance du secteur public. Pour le Tour de France, on a cité le chiffre de
4,2 millions euros. Pour les Jeux de Londres, la somme est naturellement bien
plus élevée ; elle est estimée entre 12 et 18 milliards d’euros selon les sources et les
dépenses prises en compte. Ce qui frappe n’est pas tant le coût pour les finances publiques que les
prétendues rentrées qui sont extrêmement floues, mais les explications le sont
encore bien plus. Pour le Tour de France, j’ai entendu des responsables
politiques calculer les rentrées en additionnant le prix des nuitées et des
repas que paieraient les coureurs, les suiveurs et naturellement les visiteurs.
Comme si ces montants représentaient des retombées nettes. Pour les Jeux, on
nous dit que les dépenses encourues ne doivent pas être vues comme des coûts mais
comme des investissements. La question centrale est de savoir si les
infrastructures développées pour l’occasion, le village olympique, les
installations sportives pourront servir à d’autres fins que celles d’un
événement unique mais de durée (très) limitée : 2 semaines. L’expérience
de Montréal et puis celle d’Athènes nous rendent pessimistes.
Pour revenir à notre petite Communauté française
de Belgique, qui a la responsabilité en matière de santé et d’enseignement, on
sait à quel point elle est défaillante dans sa politique de prévention. Il
suffit de voir l’état de santé et l’espérance de vie de sa population. Plutôt
que d’investir dans des événements exceptionnels et somptuaires, il vaudrait
sans doute mieux consacrer
davantage de ressources aux équipements sportifs des écoles et des villes. Que
de piscines fermées ou inexistantes par manque de moyens (1). Un éducateur de Charleroi
me disait qu’il y a davantage de jeunes qui ne savent pas nager aujourd’hui
qu’il y a 20 ans. A vérifier. Naturellement, s’intéresser à la forme physique
de notre jeunesse est sans doute électoralement moins rentable que la Formule 1
et le Tour de France. Or les élections communales sont pour demain.
Cette manie de
privilégier les manifestations médiatiques plutôt que le travail de fond n'est
pas propre au sport comme l'a montré Victor Ginsburgh dans son blog du 5
septembre à propos des festivals de musique et autres méga machins auxquels
Mons va se consacrer en se transformant en “capitale européenne de la culture”
2015. Est-ce vraiment de cela que la Wallonie a besoin?
(1) Une solution
facile à ce manque de moyens. Marc De Wever promet d’offrir les droits d’auteur de son livre (encore à
traduire) sur le régime minceur qui lui a permis de perdre 60kg en 6 mois à une
association francophone qui lutterait contre l’obésité des enfants.
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