jeudi 29 mars 2012

Des assurances unisexe. Où est la justice ?

Pierre Pestieau

Les femmes ont une espérance de vie plus longue et sont responsables de moins d'accidents de voiture que les hommes. Leurs primes d'assurance vie et d'assurance auto devraient dès lors être moins élevées. C’est un principe d’équité actuarielle.

Au nom d’un autre principe d’équité, une directive européenne interdit toute discrimination entre hommes et femmes et impose aux états membres d’appliquer des polices identiques aux deux sexes quel que soit leur profil de risque. Cette directive est combattue par les assureurs belges, mais défendue par l’association Test Achats. La justice a donné raison à cette dernière.

En imposant des assurances unisexe, l’Europe développe un système de transferts implicites allant des bons risques vers les mauvais risques, des femmes vers les hommes. Quand il s’agit des sexes, ce n’est pas très grave aussi longtemps que la majorité des gens vivent en couple.

Cette problématique apparaît clairement dans nos systèmes de retraites qui avantagent nettement les femmes puisqu’elles vivent plus longtemps que les hommes. La redistribution que génère toute réglementation anti discrimination s’effectue au détriment des hommes vivant seuls (célibataires, divorcés ou veufs) dont l’espérance de vie est plus basse du fait de leur sexe mais aussi de leur solitude.

Quand cette règlementation se fait à l’avantage des femmes, on a coutume de l’approuver et en tout cas de l’excuser au nom de toutes les autres discriminations dont elles sont victimes au cours de leur vie : différence de salaires, maternité, travail domestique, et bien d’autres. Quand on contraire elle se fait au détriment des femmes, elles sont moins acceptées.

Et pourtant force est de remarquer qu’en l’occurrence la loi anti discrimination, adoptée par le gouvernement belge pour transposer une directive européenne, n’a pas suscité d’opposition dans l’opinion. La directive européenne visée ici est une application du principe d’égalité selon lequel deux personnes se trouvant dans des situations identiques sont traitées de façon identique, mais aussi selon lequel deux personnes en situations différentes peuvent être traitées de façon différente. Toute la nuance est dans le terme “situation identique”.

Prenons l’exemple de l’assurance automobile. On sait que les femmes provoquent moins d’accidents de voitures que les hommes; de ce fait dans de nombreux pays, elles paient une prime inférieure pour leur assurance. La source de cette différence tiendrait pour un tiers à des traits génétiques (tels que concentration supérieure, riscophobie innée chez les femmes), et pour deux tiers à des comportements (absence de conduite en état d’ébriété ou de fatigue extrême) mais qu’une tarification laxiste pourrait décourager.

Si les hommes sont génétiquement désavantagés, au nom de la justice on ne devrait pas les pénaliser par une tarification plus élevée. Par contre s’ils sont responsables des accidents qu’ils sont plus nombreux à provoquer, ils devraient être pénalisés avec l’espoir que leur comportement s’en trouverait modifié. Le problème, on l’a compris, c’est que ces deux sources peuvent difficilement être dissociées et encore moins quantifiées. On retrouve ici la dichotomie responsabilité-malchance qui est au cœur de nombreux débats sur la justice sociale. Toute différence due à la chance, et c’est le cas des différences génétiques, devrait être compensée ; toute différence qui relèverait de la responsabilité de l’individu ne devrait faire l’objet d’aucune compensation.

En prenant parti pour un traitement égal des deux sexes, l’organisation de consommateurs Test Achats juge que les différences hommes femmes relèvent du génétique et que même si elles dépendent en partie de la responsabilité individuelle, elles peuvent être réduites par des mesures visant les comportements : conduite en état d’ivresse, excès de vitesse, téléphone au volant. En rejetant la directive européenne et en recommandant la segmentation des marches d’assurance selon les classes de risque observables, ASSURALIA, qui fédère les sociétés d’assurance belges, semble au contraire penser que les différences hommes femmes sont comportementales et non pas génétiques.

Il est difficile de trancher aussi longtemps que l’on ne dispose pas de meilleures données sur le rôle respectif des gènes et de la responsabilité dans le comportement automobile des hommes et des femmes.

1 commentaire:

  1. Je suis pour l'égalité des sexes en la matière. Imaginez une compagnie d'assurance qui appliquerait des tarifs différents aux Noirs et aux Blancs. Même si elle se basait sur des études statistiques pour se justifier, elle se ferait allumer par la justice et par l'opinion publique. Et à juste titre !

    S'il est illicite d'appliquer des tarifs discriminatoire selon la couleur de peau, d'autres discriminations basées sur des éléments génétique comme le sexe sont tout aussi illicites.

    Quant au transfert de risque... le principe même de l'assurance est qu'on transfère l'argent de ceux qui cotisent vers ceux qui ont subi ou causé des accidents.

    De plus, il existe un système individuel de bonus/malus qui permet déjà de récompenser les conducteurs vertueux. Tant que les femmes continueront à être en moyenne plus vertueuses, elles auront en moyenne un meilleur bonus. Et donc en moyenne elles paieront moins !

    La discrimination des primes selon le sexe n'est donc pas nécessaire pour avoir une forme d'équité en moyenne entre les hommes et les femmes, et comme toutes les discriminations elle est choquante par principe et mauvaise en pratique.

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