vendredi 24 février 2012

La Grèce s’est fait rouler trois fois, et ce n’est pas fini…

Victor Ginsburgh

La Grèce s’est fait rouler trois fois, et c’est loin d’être fini.

Une première fois par les propriétaires grecs de Porsche Cayenne qui, selon l’économiste Herakles Polemarchakis, professeur à l’Université de Warwick et conseiller économique de l’ex-premier ministre grec, sont plus nombreux que les contribuables qui déclarent des revenus excédant 50.000 euros par an (1).

Une deuxième fois en entrant dans la zone Euro, par « générosité » de la part des autres membres de la future zone, tous plus incapables les uns que les autres. Elle aurait évidemment pu ou dû refuser, mais refuse-t-on ce qui semble être un cadeau ?

Et une troisième fois en se faisant embrigader en 2002 par la banque Goldman-Sachs qui lui a conseillé de maquiller ses comptes et de cacher une partie de sa dette publique. Goldman-Sachs bat toujours le haut du pavé à Wall Street, les traders viennent de recommencer à investir dans les fonds basés sur des hypothèques, exactement les mêmes que ceux qui ont provoqué la crise financière de 2007 (2), mais la semaine passée, Athènes était en flammes,

Mais pire que tout, l’Europe bafoue la Grèce. Après l’avoir entraînée dans la zone Euro, et avoir été au courant dès 2004 de la situation (3), mais n’avoir réagi que très mollement, l’Europe l’amène maintenant sur un terrain dont elle ne se sortira pas sans dommages économiques et sociaux considérables. Ceux-ci sont cependant récupérables même s’il faut du temps. Après tout la Grèce est là depuis plus de 3.000 ans. Ni la France, ni l’Allemagne, pas plus que bon nombre d’autres pays de la zone euro peuvent prétendre la même chose.

Mais l’Europe veut aussi priver la Grèce de l’influence qu’elle a eue sur notre culture. Oublions Platon, Aristote, Euclide, Pythagore, Thalès, Archimède, Ptolémée, Démosthène, Hippocrate, Hérodote, Phidias, Praxitèle, Homère, Sophocle, Euripide, Eschyle, Aristophane, les quelques superbes fragments de poésie de Sapho et parlons fric.

Il ne faudra pas longtemps aux jeunes Européens pour prendre Milo, l’île où la Vénus a été trouvée, pour un sculpteur, et penser que la Victoire Ailée a été sculptée par Madame Samothrace, pour autant que l’on n’écrive pas le mot avec deux « s », au lieu d’un petit « c ».

Mais, des petits « c… » nous allons en produire pas mal si nous suivons la pensée du commissaire européen à l’éducation, Madame Androulla Vassiliou qui veut « améliorer les compétences et l’accès à l’éducation et à la formation en se concentrant sur les besoins du marché (4) ». Comme le titre Le Monde Diplomatique, « En Europe, les compétences contre le savoir » (5). C’est sans doute ce qui a amené Sciences Po—une parmi les célèbres grandes écoles en France—à supprimer la partie culture générale de l’examen d’admission sous prétexte qu’elle est source de discrimination sociale et pénalise la diversité culturelle.

De là à supprimer définitivement les cours de grec (et sans doute de latin) des programmes de l’enseignement des collèges et des lycées, il n’y a qu’un pas, vite franchi.

Adieu Grèce, et vive la lettre petit C de notre alphabet, pour ceux qui savent encore qu’elle vient après B pour business ou banque et avant D pour dette.

(1) Voir http://blogs.telegraph.co.uk/finance/ianmcowie/100012894/fast-cars-and-loose-fiscal-morals-there-are-more-porsches-in-greece-than-taxpayers-declaring-50000-euro-incomes/

(2) Voir Bonds backed by mortgages regain allure, The New York Times, February 18, 2012

http://dealbook.nytimes.com/2012/02/18/bonds-backed-by-mortgages-regain-allure/?pagemode=print

(3) Michel Vanden Abeele, Directeur Général d’Eurostat, l’Office Statistique de la Commission Européenne, à cette époque, avait averti la Commission des problèmes budgétaires de la Grèce et des chiffres maquillés de sa comptabilité publique. « Pourquoi », demande M. Vanden Abeele, « les banques ont-elles continué de financer le déficit grec si ce n'est pour bénéficier à la fois de la stabilité monétaire de l'euro et des rémunérations intéressantes qu'offrait la dette publique grecque alors qu'elles savaient la fragilité de ses finances publiques? », mais aussi « Pourquoi les autorités grecques n'ont-elles pas, dès 2005, entrepris les réformes structurelles de leur gestion publique en particulier au niveau de la ressource fiscale, et ce malgré les recommandations de la Commission européenne lors de ses examens périodiques des politiques économique? » Voir son article dans L’Echo du 23 novembre 2011

http://www.lecho.be/nieuws/archief /La_Grece_l_euro_et_le_mensonge_statistique.9130044-1802.art

Voir aussi

http://lexpansion.lexpress.fr/economie/grosse-pagaille-a-l-insee-europeen_22946.html

pour un des nombreux articles publiés dans la presse en 2004.

(4) Androulla Vassiliou, My policy priorities [http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/vassiliou/about/priorities/index_en.htm]. Il faut noter que Madame Vassiliou n’est pas grecque, mais chypriote.

(5) Nico Hirt, En Europe, les competences contre le savoir, Le Monde Diplomatique, Octobre 2010. http://www.monde-diplomatique.fr/2010/10/HIRTT/19756

Photo: RTBF

1 commentaire:

  1. ce n est pas directement lie au(x) viole(s) Greque mais voici une video assez amusante
    http://www.enquete-debat.fr/archives/le-referendum-de-2005-pietine-pourquoi-nous-ne-sommes-pas-en-democratie-3-94914
    soit dit en passant je trouve egalement ce site assez sympatique. Il y a un peut de tout, du bon du moins bon et du pas terrible.

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