vendredi 16 décembre 2011

Le vieillissement a bon dos

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Pierre Pestieau

Dans les milieux tant politiques que scientifiques, il est courant de blâmer le vieillissement pour toute une série de problèmes: le chômage, la récession, les déficits publics et en priorité les difficultés du financement des retraites et des systèmes de santé. Sans nier une certaine pertinence dans ces affirmations, force est de constater qu’elles exagèrent le rôle des variables démographiques et sous-estiment nos inerties individuelles et collectives.

Les travaux portant sur la démographie et la gériatrie aboutissent tous aux mêmes conclusions : non seulement nous vivons de plus en plus longtemps mais nous vivons aussi en meilleure santé. Pour être précis, sur la période 2005-2007, l’espérance de vie d’un homme belge âgé de 65 ans est passée de 81,6 ans à 82,3 ans et son espérance de vie en bonne santé a augmenté d’un an (1). Il y a une différence entre les deux concepts mais les deux espérances ont bien augmenté.

On mesure le vieillissement d’une population par la fraction de la population dont l’âge est supérieur à 60 ou 65 ans selon le cas. Prenons l’âge de 65 ans ; le taux de vieillissement ainsi mesuré a sûrement augmenté durant ces dernières décennies ne fut-ce que parce que chaque année on vit 2 à 3 mois de plus. Si l’espérance de vie a augmenté de 10 ans en 50 ans, la population a sûrement vieilli si l’on adopte cet âge pivot de 65 ans. Rien ne nous empêche de prendre un âge pivot qui ne soit pas fixe mais évolue avec l’espérance de vie ou l’espérance de vie en bonne sante. Dans ce cas, on pourrait très bien avoir un taux de vieillissement qui diminue à la différence du taux de vieillissement basé sur un âge pivot fixe. Ce dernier taux est aussi appelé taux de dépendance puisque implicitement toutes les personnes de plus de 65 ans sont à la charge des plus jeunes.

Mais où est le problème ?

D’abord, le taux de vieillissement (dépendance) pourrait augmenter sans que la longévité ne s’accroisse ; c’est ce qui se produit temporairement lorsque la fécondité baisse, comme après la période du baby boom.

Ensuite nous ne subissons pas de façon identique la « prise de l’âge ». Pour des raisons liées aux gènes, à l’environnement et aux conditions de travail, certaines personnes « vieillissent » plus rapidement que d’autres et on a tendance à mettre l’accent sur ces personnes. Pour de bonnes et de mauvaises raisons. Bonnes parce qu’elles méritent une attention particulière et une protection sociale ciblée. Mauvaises parcequ’on en oublie le reste de la population dont la longévité en bonne santé augmente au même rythme que la longévité.

Mais le vrai problème est ailleurs ; il réside dans la difficulté que nous avons de nous adapter, individuellement mais surtout collectivement à des changements dans notre environnement. Individuellement, nous prenons des habitudes fondées sur le passé et il n’est pas facile d’en changer même si les circonstances devraient nous y amener. Collectivement, l’adaptation est sans doute plus difficile encore parce que s’il y a sacrifice on préfère que ce soit l’autre qui commence par en faire.

Prenons la question du départ à la retraite. Il paraît naturel que si l’espérance de vie augmente de 10 ans, on décide de partir à la retraite à un âge plus élevé, certes pas de 10 ans mais au moins de quelques années. Une telle décision est sans nul doute préférable pour tous sauf pour ceux qui sont proches de la retraite au moment de la réforme. Très naturellement, ces individus préférerait avoir le beurre (une retraite plus longue) et l’argent du beurre (une retraite généreuse). Même s’ils sont minoritaires, ils réussissent parfois à bloquer une reforme. Le blocage leur sera bénéfique mais pénalisera les générations jeunes et futures. La même problématique se retrouve dans l’éducation. Suite à des migrations et une baisse de fécondité la population scolaire peut baisser au point qu’il serait rationnel de réduire le nombre de classes et d’enseignants, d’autant que des pénuries peuvent apparaître ailleurs, dans des lieux de forte immigration ou de fécondité élevée.

Ces blocages sont-ils inévitables ? Certains pays ont réussi à les éviter ou à les surmonter. On peut citer les pays nordiques, l’Allemagne et d’autre pays où l’âge de la retraite est ajusté en fonction de l’évolution de l’espérance de vie et où les budgets de l’éducation nationale dépendent de la population des élèves. Dans ces réformes, il est crucial de garder à l’esprit les nombreuses exceptions à la moyenne. De nombreux travailleurs ne sont plus en état de poursuivre leur carrière professionnelle avant même l’âge de 65 ans et ce, en dépit d’une hausse de longévité dont ils ne bénéficieront sans doute pas. Dans l’éducation, certaines classes devront rester petites lorsqu’il s’agit d’enfants qui ont besoin de soins pédagogiques particuliers.

(1) Health expectancy in Belgium, EHEMU Country Reports, Issue 3 - March 2010. Quant aux femmes, leur espérance de vie à 65 ans passe de 85,2 à 86,6 ans; leur espérance de vie en bonne santé a augmenté de 0,6 ans.

Taxons les semences, même si nous ne savons pas pourquoi, y en a qui savent

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Victor Ginsburgh

Mon revenu imposable, déduction faite des retenues de sécurité sociale, de solidarité et d’indemnité funéraire (dont je vous ai déjà entretenu dans un blog précédent) est taxé. La partie que je consomme est à nouveau taxée à raison de quelque 20%, c’est la TVA ; l’alcool que je bois, et l’essence que je consomme en roulant après avoir bu sont en outre soumis à des droits d’accises, sur lesquels est appliquée la TVA, une triple cascade. Faut que je fasse attention au volant. Si on me pince, ça fera une cascade à quatre étages (1).

Rassurez-vous, je ne vais pas proposer de faire la révolution parce que les revenus sont taxés plusieurs fois. D’autres, bien plus riches que moi y ont déjà pensé. Leur révolution consiste à évader leurs impôts par tous les moyens légaux, ou à la limite de la légalité et ils y réussissent pas mal, merci. Ainsi, la société pétrolière Exxon qui a payé quelque $15 milliards d’impôts dans les pays où elle extrait du pétrole, a reçu $45 millions de remboursements du fisc américain, grâce aux déductions fiscales prévues par la loi américaine. Mobil et Chevron sont à la même enseigne, General Electric et la bien-aimée Bank of America, toutes deux en perte, ont récupéré respectivement $1,1 et 2,8 milliards aux Etats-Unis (2).

Ne nous en faisons donc pas pour les riches, et venons-en aux autres, par exemple aux agriculteurs français, qui vont être assujettis à une taxe sur les semences qu’ils produisent eux-mêmes, ce qui ne tardera guère à se répandre dans l’ensemble de notre si belle Union Européenne (UE). C’est juste une petite taxe pour aider Monsanto, le spécialiste de la biologie végétale.

En effet, un règlement de juillet 1994 du Conseil de l’UE (3) avait préparé le terrain il y a près de 20 ans, mais le règlement n’avait pas été (trop) appliqué. Comme tout règlement de l’UE, il est incompréhensible et il faut un juriste-agronome, connaissant au moins 23 langues (24 avec le croate) pour le traduire. En substance, ce règlement sur la protection des « obtentions végétales » (je vous avais prévenus que c’était incompréhensible, et ce, dès le titre ; dans mon Petit Robert, on parle d’obtention d’un visa, d’un diplôme, d’une température, pas d’un végétal, et encore moins de la femelle d’un végétal, une végétale).

En clair, et grâce à une article du Monde (4), voici ce dont il s’agit : Les semences de ferme sont légalisées (légaliser une semence, il faut le faire !) à condition de verser une rémunération aux titulaires des entreprises de semenciers, « afin, dit le règlement européen, que soit poursuivi le financement des efforts de recherche et que les ressources génétiques continuent d’être améliorées ». On punit ainsi les agriculteurs qui produisent leurs semences au lieu d’acheter celles que produit par exemple Monsanto, et dont les « rejetons » sont stériles. Donc il faut en racheter chaque année. C’est ce en quoi consistent les « efforts de recherche et l’amélioration des ressources génétiques» du règlement européen.

Et si on faisait ça avec d’autres biens ? Il va de soi que le beurre, la viande et le lait produits et consommés par le fermier doivent être taxés. De même que le travail domestique. Celui de l’homme quand il prépare le repas. Celui de la femme quand elle remplace une ampoule défaillante. Celui de l’enfant pendant qu’il fait ses devoirs. Ben oui, s’il fallait acheter tout ça, on devrait aussi payer : une bonne (ou un bon) pour cuisiner, un(e) électricien(ne) pour remplacer une ampoule, un(e) ingénieur(e)-mathématicien(ne)-linguiste-qui-écrit-sans-fautes pour faire les devoirs du petit. Tout ça fera pas mal de TVA et d’impôts sur leurs revenus.

En fait, l’auto-production des semences doit être taxée pour permettre à Monsanto d’améliorer les semence. Quant au travail domestique, c’est de la fraude fiscale. Donc, quand je propose de taxer tout ça, c’est finalement une bonne idée : elle devrait permettre de sortir nos états du marasme et sauver les banques de celui dans lequel elles nous ont tous mis.

(1) Mon compère bloggeur me fait remarquer que ce qui compte c’est l’imposition totale d’un bien et pas la cascade. Je comprends cela bien sûr, mais il faudrait alors complètement réformer l’imposition et n’avoir plus qu’un type d’impôt qui impose chaque bien ou groupe de biens, ou tout simplement les revenus. C’est ce que proposent C. Landais, T. Piketty et E. Saez dans leur ouvrage Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le 21e siècle. Voir http://www1.revolution-fiscale.fr/Pour_une_revolution_fiscale.pdf

(2) Voir http://money.cnn.com/galleries/2010/news/1004/gallery.top_5_tax_bills/2.html

(3) Règlement (CE) No 2100 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales. http://eur-lex.europa.eu/Notice.do?mode=dbl&lang=en&lng1=en,fr&lng2=bg,cs,da,de,el,en,es,et,fi,fr,hu,it,lt,lv,mt,nl,pl,pt,ro,sk,sl,sv,&val=302956:cs&page=1&hwords=

(4) Le Monde en Ligne du 29 novembre 2011. Merci a S.G. d’avoir attiré mon attention sur le problème des semences.

vendredi 9 décembre 2011

De Viris Illustribus

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Victor Ginsburgh

Ceux qui ont fait du latin durant leurs études secondaires se rappelleront qu’il s’agit du titre d’un ouvrage en latin (apocryphe, puisqu’écrit au 17e siècle par un certain Abbé Lhomond) qui voulait conter l’histoire des hommes (vir, -i) les plus illustres de la Rome ancienne. Désolé pour les femmes (mulier, -is). Il y en a, sauf erreur, une seule qui peut prétendre au rôle, c’est la mère de Remus et Romulus. Et encore, elle a abandonné ses rejetons, tous deux recueillis et nourris par une brave louve. Mais ceci est une autre histoire.

Celles et ceux dont il est question ici sont nos célèbres hommes et femmes, parlementaires européens, -éennes, et de leurs collègues français, -çaises, américains, -caines et belges, -es.

Aux députés européens l’honneur de commencer la parade. Chacun d’eux semble avoir un salaire mensuel de € 7 339, auquel il faut ajouter une indemnité forfaitaire de € 3 980 et une « prime » de € 284 quand ils nous font le plaisir d’assister à une séance du Parlement. Ce qui leur fait un petit viatique de € 14 727 par mois, dont 12 fois € 284 s’ils assistent à 12 séances. Mais, en réalité, pourquoi assister aux séances ? Il suffit de s’inscrire en arrivant très tôt le matin, et puis de disparaître avec sa valise à roulettes parce qu’il y a tout de même plus important à faire. C’est ce qu’illustre la vidéo suivante, filmée au Parlement européen à Strasbourg par un journaliste allemand, qui a fini par se faire expulser par le personnel de sécurité dudit Parlement. Voici la vidéo (1) qui montre d’ailleurs que les Grünen (Verts en Allemagne) ne se comportent pas mieux que les autres :

http://dotsub.com/view/01ad2718-073c-474a-ac40-c7a72e199d55

Faut dire qu’on les comprend, surtout s’ils sont obligés de s’occuper des concombres qui doivent « être assez bien formés et pratiquement droits : hauteur maximale de l'arc, 10 millimètres pour 10 centimètres de longueur du concombre (2) », qui dit mieux ? Un document de cinq pages sur les cucurbitacées qui doit être traduit dans chacune des 23 langues de l’Union.

Les députés français font la chose autrement, mais, malgré ce qu’on aurait pu attendre de la Fraaance, pas plus élégamment. Comme vous le savez certainement, et alors que le pays est sujet à des difficultés budgétaires, les parlementaires de gauche comme de droite ont « radicalement » refusé de voir leurs indemnités de député être réduites de 10%. Le président du group UMP, Christian Jacob, était spécialement entré en séance au moment du vote. Dans un très beau geste (!), les socialistes se sont abstenus, à l’exception, cependant, du rapporteur spécial Jean Launay (PS) qui s’exprimait à titre personnel pour expliquer que cet amendement avait « un caractère d'affichage sinon de gadget » mais « pas de pertinence sur le plan politique » (3). Sans compter qu’ils ont des pensions de retraite et des frais de secrétariat qui font rêver. Les frais aussi bien que les secrétaires...

Ce qui nous amène aux membres du Congrès américain, qui sont plus vicieux encore. Ils ont le droit d’acheter et de vendre des actions, et de procéder à des transactions immobilières pendant qu’ils planchent sur des projets de loi relatifs à ces actifs. Ils ne sont donc pas condamnables sur le plan légal, et en profitent bien. L’ancienne présidente de la chambre, la démocrate Nancy Pelosi et son époux ont acheté des actions à un moment où il aurait été impossible de le faire pour un non-initié. Le sénateur John Kerry (candidat démocrate malheureux contre le valeureux George W.) et son épouse, Madame Heinz 57 varieties (y compris des concombres aigre-doux à la mesure de ceux requis par l’Europe) ont acheté des actions de firmes pharmaceutiques pendant que le Congrès débattait du projet Obama relatif aux soins de santé, comme l’a fait d’ailleurs John Boehner, député républicain. Le républicain Spencer Bachus s’est activé sur les marchés en achetant et en vendant des options après que Bernanke, gouverneur de la Fed (Banque centrale américaine) ait réuni en 2007 un comité très restreint (dont Bachus faisait partie) auquel il a expliqué qu’une « fonte du système financier » (a meltdown in the global financial system) était imminente. Et ils sont loin d’être les seuls… (4). Il s’ensuit que nombreux sont ceux qui négligent complètement leurs électeurs dès qu’ils arrivent au « pouvoir ».

Quant aux parlementaires belges, ils n’ont pas eu grand chose à faire lors des 550 jours sans gouvernement, si ce n’est à écouter le président Dehaene se lamenter sur sa propre gestion de Dexia, tout en acceptant sans doute son parachute doré, prime de son savoir-faire qui a mis la banque en faillite.

Vous me direz que tout ça est très poujadiste. Tant pis, il fallait que je l’écrive, et il vaut mieux que vous le sachiez si vous l’ignoriez.

(1) Pour laquelle je remercie André Sh. La vidéo est hélas en Allemand, mais est sous-titrée en Anglais. Les deux langues les plus parlées dans l’UE. On m’a dit que la vidéo pouvait être un « faux ». Mais elle pourrait aussi être un « vrai ». Plus rien ne m’étonne.

(2) Voir sur http://admi.net/eur/loi/leg_euro/fr_388R1677.html, Règlement (CEE) n° 1677/88 de la Commission du 15 juin 1988 fixant des normes de qualité pour les concombres.

(3) Voir Le Figaro du 14 novembre 2011

http://www.lefigaro.fr/politique/2011/11/14/01002-20111114ARTFIG00615-les-deputes-refusent-de-baisser-de-leurs-indemnites.php

(4) Newsweek du 21 novembre 2011, pp. 32-37.

http://www.thedailybeast.com/newsweek/2011/11/13/peter-schweizer-s-new-book-blasts-congressional-corruption.html

Christine à Washington, Elio au Lambermont

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Pierre Pestieau

De l’avis de beaucoup DSK fut un excellent Directeur du FMI. Bien meilleur que ses deux pâles prédécesseurs. Pour le remplacer, c’est Christine Lagarde qui a été désignée par un hasard de circonstances. Les Français trouvaient important d’avoir une française a Washington et de nombreux Européens préféraient une Française à un ressortissant du Tiers-Monde pour régler la crise des pays rassemblés sous le sigle de GIPS (pour Grèce, Irlande, Portugal and (E)spagne) (1). En Belgique Elio Di Rupo sera notre prochain premier ministre à la grande joie des francophones. Et si l’accouchement aura été long, la joie en sera d’autant plus grande.

Dans ma posture de rabat-joie, je ne peux m’empêcher de me demander si ce sont là de bonnes nouvelles pour les populations concernées. Les Français ont-il intérêt à monopoliser la direction du FMI ? Les Belges francophones ont-ils intérêt à voir un des leurs diriger un pays à majorité flamande ? Pour répondre à ces questions, il faut distinguer deux éléments : la compétence des personnes et leur appartenance nationale. En l’occurrence, Mme Lagarde est sans doute moins armée que ne l’était son prédécesseur pour traiter des sujets brûlants ; elle est juriste et non pas économiste. A priori on ne peut pas dire qu’Elio Di Rupo soit moins compétent que ne l’était son prédécesseur. Son handicap est sans doute de ne pas maîtriser le néerlandais.

Même à compétence égale, doit-on se réjouir de voir un compatriote à la tête d’une organisation internationale ? Doit-on se réjouir de voir un habitant de sa région diriger le gouvernement fédéral ? Deux raisons pour répondre par la négative. La personne concernée peut, par souci de neutralité, pratiquer le favoritisme à rebours ; elle pourrait de ce fait se conformer à la fameuse prescription selon laquelle « la femme de César doit être irréprochable !». Autre raison, les populations évincées pourraient mener la vie dure à celui qui a d’une certaine manière usurpé son poste.

Le Belgique a connu cela lors du bref mandat en 1974 d’Emile Leburton, dernier wallon à occuper le poste de premier ministre en Belgique. Rien ne lui fut pardonné. Edith Cresson, première femme à diriger un gouvernement français, a subi un sort analogue. On peut conjecturer que si la France avait besoin d’une faveur de la part du FMI, cela pourrait être plus difficile aujourd’hui.

Certes on ne peut généraliser. Dans des pays ou des organisations où la gouvernance est défaillante et où la corruption et la prévarication sont des pratiques quotidiennes, avoir un des siens aux commandes peut s’avérer précieux. Une des caractéristiques des régimes autocratiques est l’enrichissement outrancier des amis et de la famille des dirigeants. Cela s’est vu récemment en Tunisie à l’occasion du « Printemps de jasmin » et de la chute de la maison Ben Ali. Mais ceci est une autre histoire. On peut penser que tant la Belgique que le FMI ne relèvent pas de ce cas d’école

(1) Ceci se passait en été. Depuis on parle de GIIPS avec l’Italie comme membre de ce prestigieux club, dont l’existence donne bonne conscience aux véritables fauteurs de crise. Pourquoi pas bientôt le GIBIPS ou le GIFIPS ? Plus on est de fous…

vendredi 2 décembre 2011

Sept milliards de Terriens, et moi, et moi, et moi...

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Pierre Pestieau

Depuis le 30 octobre 2011, nous sommes 7 milliards sur terre. Et ce nombre ne cesse d’augmenter avec 402 000 naissances pour 170 000 décès par jour. Est-ce trop ou trop peu ? Une question difficile. Dans les années 1930, la démographie s’interrogeait sur le concept de population optimale. Elle était alors centrée sur l’Europe et plaidait pour l’eugénisme. On est heureusement loin de cette période sombre. L’Europe ne compte plus que pour un 1/14ème de la population mondiale et son importance démographique ne cesse de décliner. Le passage à 7 milliards a entraîné dans la presse une série de commentaires dont la pertinence était parfois douteuse. Voici quelques exemples de réflexions que ces commentaires suscitent. On verra qu’en démographie les exemples et les contrexemples coexistent joyeusement.

Le monde est surpeuplé

Sans doute, mais comment définir une population optimale ? En fonction des ressources disponibles? Au début du siècle dernier, la terre comptait 1,6 milliard d’habitants. En un siècle, les prix des principales denrées alimentaires n’ont cessé de baisser. Ceci dit, on sait que physiquement la terre ne pourrait supporter ces 7 milliards si chacun d’eux vivait comme le Belge ou le Français moyen.

Une enquête récente menée au Pays Bas (1) révèle que nos voisins du nord ont une vision de la population optimale assez singulière mais qui n’est sans doute pas très différente de la nôtre. En bref ils trouvent que la terre est trop peuplée mais pas les Pays Bas et encore moins la collectivité urbaine dans laquelle ils vivent. C’est un manifestation du classique NIMBY (not in my backyard/ pas dans mon jardin). Cela rappelle le propos de Michel Debré qui se disait favorable au contrôle des naissances pour l’Ile de la Réunion (dont il était le député) mais pas pour la France métropolitaine.

Une croissance démographique rapide contribue à maintenir les pays pauvres dans leur pauvreté

La Corée du sud et Taiwan ont connu de 1960 a 1980 une explosion démographique de 50%, accompagnée d’une économie florissante (croissance annuelle de 7%). Au cours du siècle dernier, le revenu par tête y a quintuplé alors que la population quadruplait sur l’ensemble de la planète.

Force est cependant d’admettre qu’aujourd’hui la population croît le plus dans les pays les plus pauvres.

La politique de l’enfant unique explique le miracle chinois

Il existe en effet une corrélation entre les deux réalités. De là à y voir une relation de cause à effet, il y a un pas qu’il faut éviter de franchir, et ce d’autant plus que cette politique va entraîner en Chine un phénomène de vieillissement sans précédent, et le problème du financement des retraites qui ne manquera pas de suivre. Ella a aussi créé un surplus d’hommes qui ne pourront pas se marier (2). Ajoutons qu’à y regarder de près, l’évolution de la fécondité en Chine n’est pas différente de celle des autres pays de la région qui n’ont pourtant pas suivi la même politique antinataliste.

Là où la population décroît, l’économie décline

Ici aussi les contrexemples sont aussi nombreux que les exemples. L’Irlande a vu sa population passer de 8,3 à 2,9 millions pendant la période 1840-1960. Pendant cette même période le revenu par tête y a plus que triplé. La Bulgarie et l’Estonie viennent de connaître une baisse de leur population de plus de 20% depuis la chute du Rideau de Fer et leur richesse a augmenté de plus de 50%. L’économie allemande est bien plus dynamique que l’économie française, alors que la population allemande décline.

La population mondiale comptera 10 milliards d’habitants à la fin du siècle

Rien n’est moins certain. Ce chiffre provient d’une extrapolation simpliste qui peut être infirmée. Il représente la prévision moyenne des Nations Unies. Selon la prévision élevée, la population dépasserait les 15 milliards et selon la prévision basse, elle tomberait à 6,2 milliards.

Même si la démographie se prête à des prédictions plus robustes que l’économie, la prudence s’impose dès lors que l’on dépasse le terme d’une génération, soit une trentaine d’années. Ajoutons pour conclure, et c’est d’une certaine manière rassurant, qu’il est difficile d’expliquer les variations de fécondité et encore plus difficile pour un gouvernement de la contrôler comme il peut contrôler la fiscalité ou la masse monétaire (et encore). On a coutume d’expliquer les rares exemples de fécondité élevée en Europe par des facteurs aussitôt remis en cause : la politique familiale pour la France, la religion catholique pour l’Irlande et les crèches pour la Suède.

(1).Voir http://voxeu.org/index.php?q=node/7179

(2). Alors qu'en l'absence de discrimination, il naît 105 garçons pour 100 femmes, il naît aujourd'hui 117 garçons pour 100 filles en Chine et 111 en Inde. Cet écart s'explique par les avortements sélectifs, les infanticides et le manque de soins dont sont victimes les filles.

D’une dictature à l’autre

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Victor Ginsburgh

« Un état démocratique se prépare pour une bataille existentielle en impliquant tous ses citoyens et en forgeant des alliances internationales. Un état fasciste s’y prépare en supprimant ses adversaires intérieurs, tout en essayant de forger des alliances à l'étranger; un état fasciste et messianique supprime les opposants intérieurs et devient un paria à l'étranger ». Ces lignes sont extraites d’un article intitulé « Israël doit renverser Netanyahou avant qu’il ne soit trop tard », paru le 15 novembre dans Haaretz, le troisième quotidien israélien, plutôt de gauche, mais néanmoins de référence (1).

Des ministres israéliens proposent au Parlement d’adopter une loi limitant, voire interdisant, aux organisations qui défendent les droits de l’homme de recevoir des dons en provenance de l’étranger (2). Le Parlement lui-même vient d’adopter une loi qui, de façon indirecte, permettra d’introduire un juge conservateur à la Cour Suprême (3). Le Parlement suggère aussi de supprimer l’arabe comme langue officielle, alors qu’il est parlé par plus d’un million d’habitants en Israël même (4).

Trois grands pas de plus vers plus de démocratie dans le pays qui a pris l’habitude de s’auto proclamer « la seule démocratie au Moyen-Orient ».

Faut-il rappeler qu’en0 1995 déjà, l’assassin de Rabin (le premier ministre d’Israël, qui voulait faire la paix avec les Palestiniens) a été chauffé par des mois d’incitation intense. Rabin était montré sur des affiches en uniforme d’officier SS. Les groupes religieux le condamnaient publiquement à mort dans les cérémonies quasi médiévales. Les manifestants criaient « Par le feu et par le sang, nous nous débarrasserons de Rabin ». Lors d’une manifestation dans le centre de Jérusalem, un cercueil portant le nom de « Rabin » a été promené, tandis que Netanyahou regardait d'un balcon, en compagnie d’autres dirigeants de la droite. Pas une seule voix importante ni de cette droite ni de la part des religieux ne s’est élevée contre cette campagne meurtrière (5).

« Un jour, pas très éloigné, nous nous réveillerons dans un pays différent, celui qui est en train de se faire. Et ce jour-là, il sera trop tard. Même l’article que j’écris ne sera pas publiable, parce que seules les bonnes nouvelles seront permises … Dans un avenir pas tellement lointain, le paysage urbain aura un aspect différent. Ce qui se passe aujourd'hui à Jérusalem va se jouer, demain, dans l’ensemble du pays. Bus séparés et rues séparées pour les hommes et les femmes. La radio et la télévision ne diffuseront que des voix masculines. Les femmes devront se couvrir la tête. Puis ce sera le tour des hommes auxquels il sera interdit de se montrer rasés ou sans couvre-chef » écrit Gideon Levy dans un éditorial de Haaretz du 13 novembre 2011 (6).

Et pendant ce temps-là, l’armée israélienne détruit les containers d’eau et les puits des Bédouins qui vivent en Palestine occupée, dans la Vallée du Jourdain (7) ; elle rase leurs campements et se prépare à transférer quelque 27.000 d’entre eux de l’endroit où ils vivent pour les installer à proximité de décharges publiques (8) ; les constructions dans les colonies en Palestine occupée (9) et dans la partie arabe de Jérusalem vont bon train, merci.

Israël a « puni » pendant plusieurs semaines les Palestiniens d’avoir osé demander de devenir membre des Nations-Unies, en refusant de leur verser $100 millions d’impôts qui leur sont dus, tout en continuant à menacer qu’en cas d’alliance avec le Hamas, les fonds ne seront plus versés (11).

Pour terminer, et en attendant mieux, le Ministre de la Sécurité Publique craint un nouvel assassinat politique dont Haran Ofrah, une militante du mouvement Paix Maintenant, pourrait être la prochaine victime (12).

Un bien bel alignement de la « seule démocratie du Moyen-Orient » sur les régimes en vigueur dans les autres pays de la région.

P.S. Du 1 au 17 décembre aux Halles de Schaerbeek, Bruxelles : Exposition et films, Breaking the Silence, Des soldats israéliens parlent de l’occupation.

(1) Voir http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/israel-must-topple-netanyahu-before-it-s-too-late-1.395615

(2) Voir http://www.haaretz.com/news/national/israeli-ministers-back-bills-to-limit-funding-for-human-rights-groups-1.395329. On a récemment suggéré que, suite à des pressions venant de l’étranger, Netanyahou était oppose à cette proposition (Haaretz 21 novembre 2011).

(3) http://www.haaretz.com/news/national/knesset-passes-controversial-bills-amid-criticism-of-an-assault-on-israeli-democracy-1.395576

(4) http://www.haaretz.com/print-edition/news/lawmakers-seek-to-drop-arabic-as-one-of-israel-s-official-languages-1.376829. A noter que Moshe Arens, un homme de la droite israélienne qui a été minsitre de la défense et minister des affaires étrangères dans plusieurs gouvernemets, s’est publiquement opposé à cette proposition.

(5) Uri Avnery, YOU are Fed up, 12 novembre 2011.

Voir http://www.informationclearinghouse.info/article29696.htm

(6) http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/a-new-israel-in-the-making-1.395241

(7) http://www.alternativenews.org/english/index.php/topics/news/3898-israeli-army-steps-up-attacks-on-palestinian-water

(8) http://www.btselem.org/settlements/20111010_forced_eviction_of_bedouins

(9) Le ministre israélien du logement vient d’annoncer (mardi 15 novembre) le lancement d’un appel d'offres pour la construction de quelques milliers de logements sur l’ensemble du territoire, dont 2000 appartements au-delà de la Ligne verte (Guysen International, 16 novembre 2011).

(10) http://www.haaretz.com/print-edition/news/academics-rally-behind-ben-gurion-university-prof-fined-for-refusing-idf-duty-1.395823

(11) ) http://www.haaretz.com/news/national/public-security-minister-threat-of-another-political-murder-exists-in-israel-1.397295

(12) http://www.haaretz.com/news/national/public-security-minister-threat-of-another-political-murder-exists-in-israel-1.397295