vendredi 26 août 2011

La frite et le cannabis

Pierre Pestieau

Deux articles glanés dans nos journaux cet été. Dans un entretien au Monde daté du 3 août, l'économiste Pierre Kopp (1) estime que si le cannabis était taxé comme le tabac, l'Etat engrangerait plus d'un milliard d'euros, de quoi financer la prévention. Selon Kopp, l'Etat continue de dépenser autour de 300 millions d'euros par an pour interpeller environ 80 000 personnes, sans effet radical sur la consommation, qui s'est stabilisée à un niveau élevé. La légalisation permettrait d’épargner 300 millions d'euros de dépenses dues aux interpellations, et même davantage si l’on y ajoute les dépenses dues aux gardes à vue, au fonctionnement des tribunaux et à l'exécution des peines. En outre, la vente légale de cannabis rapporterait 1 milliard d'euros de taxes. Du temps et des moyens pourraient dès lors être réalloués à la prévention et à la lutte contre le trafic des drogues dures.

Une semaine avant et dans le même journal, on apprenait que manger des frites, c'est un peu comme fumer du cannabis. Une étude californienne venait en effet de démontrer qu’il existait une addiction à la frite ; plus généralement manger des aliments gras entraîne la sécrétion d'une substance appelée cannabinoïdequ'on trouve aussi dans le cannabisqui crée en nous un plaisir. Une fois ce processus activé, notre cerveau en redemande sans jamais connaître la satiété. Comme les frites et autre chips sont un des facteurs d’obésité, fléau qui après avoir frappé les Etats-Unis sévit dans nos contrées, il est grand temps que le législateur agisse en interdisant la vente et la consommation de frites et de chips. Cela améliorerait la santé publique et réduirait le gouffre de la sécurité sociale.

En somme voilà un programme pour le formateur : légaliser le cannabis et interdire les frites. Il pourrait ainsi faire l’unanimité du pays contre lui. A moins que cela ne relève des compétences communautaires, régionales ou pourquoi pas provinciales ? Il faut bien que nos provinces servent à quelque chose.

Plus sérieusement, les économistes doivent se garder de tirer des conclusions hâtives en mêlant des considérations de santé publiques et des impératifs financiers. C’est ainsi que régulièrement on les a vus défendre le tabagisme en montrant que le coût pour la santé publique était minime alors que le gain en taxes et en retraites était lui, appréciable. L’hypothèse de base était que le tabac tue rapidement et précisément au moment de la retraite (2).

(1) Voir Pierre Kopp, Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France?, Revue économique, à paraître.

(2) Voir notamment W. Kip Viscusi, Cigarette taxation and the social consequences of smoking, http://www.nber.org/chapters/c10891.pdf?new_window=1

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