dimanche 17 avril 2011

Crise, mondialisation et clochemerlisation

Pierre Pestieau

Nos pays deviennent autant de Clochemerles. (1) Sans doute est-ce là un des effets de la mondialisation et plus immédiatement de la crise. Deux phénomènes qui dépassent non seulement les citoyens mais aussi ceux qui nous gouvernent et nous informent. Nos gouvernants ne contrôlent plus la plupart des leviers de la politique économique ; ils ne comprennent souvent pas ce qui se passe et en sont donc réduits à s’intéresser à l’accessoire, aux faits-divers et à la peoplisation. (2) Notre presse qui naguère faisait encore sa une avec la politique nationale et internationale semble aujourd’hui attirée par les événements sportifs, les chiens écrasés et la vie des stars et starlettes. Les spécialistes de la communication ont décrit ce phénomène mais il frappe tout un chacun. Des journaux respectables comme le Monde ont dû s’aligner; les hebdomadaires engagés comme le Nouvel Observateur ont suivi la mode des marronniers et s’intéressent au sexe, à la franc-maçonnerie, au vieillissement, au couple, aux régimes alimentaires, … Dans les journaux ou sur les plateaux de télé, on demande aux peoples ce qu’ils pensent de la réforme des retraites, de la crise des subprimes, du développement durable et du péril chinois. Plus près de nous, nos quotidiens interrogent régulièrement des « intellectuels » de tout genre sur des questions sur lesquelles ils n’ont pas plus de compétence que le citoyen lambda. L’écart entre les conversations de bistrot et celles de soi-disant spécialistes se réduit ce qui ne veut pas dire que le niveau des premières s’est élevé.

Ce phénomène a pris une nouvelle ampleur avec la crise institutionnelle que connaît notre pays. Les premiers mois, les unes de journaux écrits ou parlés étaient consacrées à la crise; depuis plusieurs mois, les unes se sont éloignées de cette crise pour s’intéresser à la Lybie, à la Tunisie, à l’Egypte ou, plus sérieusement, au retour de Johnny.

Est-ce inéluctable? Est-ce là un propos qui fleure le regret stérile de temps révolus nécessairement meilleurs? Est-ce à rapprocher du débat sur l’éducation et le trop fameux « le niveau baisse »? Pas vraiment d’autant qu’il y ici a des solutions et des raisons de se réjouir.

Si les médias traditionnels ne nous informent pas correctement, l’internet dont l’accès se généralise est un recours efficace. Il nous informe rapidement sur des questions spécifiques. Tel homme politique affirme sans nuance que nous avons le taux d’imposition le plus élevé ou la productivité la plus forte au monde, mais il est facile en googlisant de vérifier l’information. Les chaînes de télévision traditionnelles ont perdu une partie de leur qualité ou ont du s’aligner sur des chaînes plus racoleuses mais, simultanément, nous disposons aujourd’hui d’excellentes chaînes thématiques. Les journaux écrits ou télévises ne disent plus un mot du Japon parce que la Lybie offre des nouvelles plus racoleuses, mais on peut s’informer sur Fukushima sur des sites comme Mediapart ou Gazette d'@rrêt sur images. Tout cela demande évidemment une volonté de comprendre, de se cultiver et un refus d’accepter la bouillie médiatique qui nous est gracieusement offerte.

(1) Clochemerle est un roman satirique publié en 1934 ; il a connu un succès immédiat et durable. Le toponyme http://fr.wikipedia.org/wiki/Toponyme, aujourd’hui entré dans la langue courante, sert à désigner un village déchiré par des querelles burlesques.

(2) La peoplisation ou pipolisation est la propension des médias à accorder de l’importance aux personnalités du monde du spectacle, de la politique et du sport en étalant au grand jour leur vie privée.

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