vendredi 25 mars 2011

Fraude sociale en Wallonie, fraude fiscale en Flandre

Pierre Pestieau

Le 28 février 2011, la presse rapportait que Carl Devlies, le secrétaire d'Etat à la lutte contre la fraude sociale, attendait quelque cinq millions d'euros de recettes par an de la nouvelle cellule mixte de soutien contre la fraude sociale grave et organisée, qui venait d’être installée officiellement. Ce n’est pas la première annonce du genre ; elle fait écho à d’autres annonces consacrées cette fois à la fraude fiscale. Deux choses frappent dans ces annonces : les chiffres cités, qu’ils s’agisse du montant de la fraude ou des sommes que l’on espère récupérer, ainsi que la répétition des bonnes intentions laissent à penser qu’aucune d’elles n’est jamais suivie d’effet.

Pour mesurer l’étendue de ces deux types de fraude, on ne dispose guère d’éléments solides. Et pour cause. La fraude est, par définition, non observable et seuls des moyens indirects permettraient d’appréhender et les montants et leur encaissement; or ces moyens sont extrêmement coûteux si on veut aboutir à un résultat raisonnable. Mais notre objet est autre.

Chaque fois que l’on évoque la fraude sociale ou fiscale, apparaissent nos bonnes vieilles divisions entre Flandre et Francophonie. Le préjugé le plus ancré veut que les Flamands frauderaient davantage le fisc que les Francophones ; et ce serait l’inverse pour la fraude sociale. La Flandre est en effet plus prospère et il est plus facile d’éluder l’impôt là où l’assiette fiscale est relativement plus large ; mais il y a plus d’allocataires sociaux en Francophonie et le recours parfois abusif à l’assurance/assistance sociale y est moins stigmatisé.

Qu’en est-il vraiment? Ici aussi, il faut bien reconnaître qu’il est difficile d’obtenir des données incontestables. Récemment les Universités de Liège et de Leuven se sont associées pour procéder à ce que les économistes appellent des expériences de laboratoire. Il ne s’agit pas d’observer le comportement plus ou moins frauduleux de souris ou de rats flamands, wallons, voire non belges. Plus modestement, le principe est de prendre des échantillons d’étudiants auxquels on soumet, dans un cadre codifié, une série de questions théoriques visant à appréhender leurs réactions face à la fraude. Des expériences identiques ont été menées en en Flandre (KUL), en Wallonie (ULG), à Lyon et à Maastricht. Les sujets venaient donc de milieux différents et l’on pouvait attendre que, face à des situations identiques, les quatre groupes d’étudiants réagissent de façon différente, en fonction de leurs caractéristiques propres (éthique, aversion au risque, milieu familial) mais aussi en fonction de l’idéologie et des pratiques ambiantes.

Sans entrer dans le détail d’une étude assez complexe, il ressort que les différences de comportement ne sont pas très différentes et que le groupe wallon semble témoigner d’un comportement de civisme fiscal et social au moins aussi élevé que celui des trois autres populations.

Que peut-on conclure ? Cette recherche a certes des limites qui sont propres à l’économie expérimentale. Ceci dit elle a le mérite d’exister, et en l’absence d’autres études, elle est la seule à se prononcer sur la question posée dans le titre : qui des Flamands ou des Wallons fraude mieux et quoi ? Réponse provisoire : les opinions courantes, recueillies dans les « cafés du commerce » et décrites plus haut n’ont guère de fondements.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire